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432                   HARMONIES ECONOMIQUES.

    « Est-ce ma faute si la foi à la divinité est devenue une opinion
» suspecte? si le simple soupçon d'un être suprême est déjà noté
• comme la marque d'un esprit faible, et si, de toutes les utopies phi-
<
« losophiques, c'est la seule que le monde ne souffre plus ? Est-ce ma
« faute si l'hypocrisie et l'imbécillité se cachent partout sous cette
« sainte étiquette?.... De quelle religion êtes-vous?.... oubliez votre
« foi, et, par sagesse, devenez athée.... Ne voyez-vous pas qu'il en est
 « de la religion comme des gouvernements, dont le plus parfait serait
« la négation de tous ? Qu'aucune fantaisie politique ni religieuse ne
« retienne donc votre âme captive; c'est l'unique moyen, aujourd'hui,
« de n'être ni dupe ni renégat.... Je voudrais encore, pour assurer
« tout-à-fait votre jugement, cher lecteur, vous rendre l'âme insen-
• sible à la pitié, supérieure à la vertu, indifférente au bonheur. Mais
 «
< ce serait trop exiger d'un néophyte. Souvenez-vous seulement, et
.
 • n'oubliez jamais que la pitié, le bonheur et la vertu, de même que la
 <
 " patrie, la religion et l'amour, sont des masques.... (p. 38). »
    A ce début, l'on sent déjà une répulsion instinctive gagner son in-
telligence. Je n'aime pas cette prétention d'arracher de mon âme le
culte des sentiments qui consolent et fortifient. Désormais, je puis
écouter le logicien implacable, mais, dans un coin de mon cœur, veille
la défiance armée !
    Avant de pénétrer dans cet antre de la dialectique , tournons-
nous du côté de l'auteur des Harmonies économiques, et demandons-
lui si, pour suivre son école, il faut étouffer au fond de soi-même tout
ce qu'il y a dé grand et de généreux.
    Voilà sa réponse :
          « Je crois que celui qui a arrangé le monde matériel n'a pas
 « voulu rester étranger aux arrangements du monde social ; — je crois
 « qu'il a su combiner et faire mouvoir harmonieusement des agents
  « libres aussi bien que des molécules inerles. — Je crois que tout,
 « dans la société, est cause de perfectionnement et de progrès, même
 « ce qui la blesse. — Je crois que le mal aboutit au bien et le pro-
 « voque, tandis que le bien ne peut aboutir au mal, d'où il suit que le
 •• bien doit finir par dominer, — je crois que l'invincible tendance
 « sociale est une approximation constante des hommes vers un com-
 .i mun niveau physique, intellectuel et moral, en même temps qu'une
 « élévation progressive et indéfinie de ce niveau. — Je crois qu'il
 « suffit au développement graduel et paisible de l'humanité que ses
 « tendances ne soient pas troublées et qu'elles reconquièrent la liberté
  « de leurs mouvements. — Je crois ces choses, non parce que je les