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                        LOIS CONTRE LA PRESSE.                          581
 tout-à-coup que le parti de l'Ordre a plus à perdre qu'à gagner, en
  étouffant la discussion ; qu'il y a plus de journaux sous sa bannière
 Que sous la bannière ennemie : quelques-uns même,rejetant le masque
 de la peur, reconnaissent que la bonne presse était déjà passée de l'état
de défense à l'attitude de l'offensive contre la mauvaise. Ils semblent se
 Plaindre qu'on leur arrache les armes au moment de la victoire. Ne
 dirait-on pas des enfants qui jettent des cris et feignent une maladie
 Pour provoquer la pitié et éviter le travail, et qui crient plus fort, en-
 core, quand on leur présente le breuvage qui doit guérir leurs souf-
 frances menteuses?
    D'autres, plus confiants dans la sévérité des juges, que dans les
 prescriptions de la loi, et cédant à une inclination naïve vers l'iniquité,
 ont demandé qu'on créât des juges choisis et spéciaux pour les crimes
 de la discussion. C'était un moyen de tuer ses adversaires, sans courir
 les dangers du combat. Cela rappelle un peu la phrase, ironiquement
cruelle, de M. deBonald,dans la discussion de la loi du sacrilège. Il
 était question de savoir à quel juge on renverrait les prévenus de cet
attentat : « Renvoyez-les à \ear juge naturel, » dit l'orateur du droit
divin : c'est-à-dire tuez-les.
    Au reste, l'accueil peu gracieux fait par tout le monde à ces lois de
compression, nous fait, penser que la foi dans l'efficacité de la force,
comme moyen de gouvernement, est un peu ébranlée. Nous nous ap-
plaudissons de ce progrès de l'opinion publique. Il indique que les es-
 prits commencent à se rassurer un peu. Nous avons eu peur quel-
quefois pour la France endormie ou irritée, enthousiaste ou effrayée,
mais jamais pour la France de sang-froid. Nous le demandons de
bonne foi : est-ce que des entraves fiscales, la limitation du droit de
réunion, sa suppression même, des restrictions .apportées au suffrage
universel, une prolongation des pouvoirs présidentiels changeraient la
situation morale et matérielle du pays ? Un coup-d'Etat fût-il heureux,
fera-t-il renaître cette confiance dans l'élu du 10 décembre, qu'un ca-
ractère irrésolu, une position embarrassée, et des tendances obliques
ont fait perdre à la nation? Une violation ouverte ou détournée de la
Constitution, quel qu'en soit le prétexte, nous disons même quelle
qu'en soit la raison, rendra-t-elle les volontés plus dociles, les mino-
rités plus résignées, les principes légitimistes, orléanistes, impéria-
listes mieux disposés à se donner le baiser de paix ? Le Président de
la République serait Sa Majesté l'empereur et roi, M. Rouher s'appel-
lerait Cambacéres, prince archichancelier, le général Gémeau serait
duc de Danlzig, ef M. Carlier duc d'Otrante, je le demande, y aurait-il