Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                    DU GOUVERNEMENT EN FRANCE.                          39
lumineux par de-là l'horizon du présent? Les sectes socialistes sont,
à l'ordre actuel, ce que les hérésies étaient à l'Église pendant le
moyen-âge, une excitation incessante au progrès, une réclamation
de ceux qui souffrent moralement et physiquement contre l'oubli et
l'insouciance où tous les pouvoirs satisfaits et forts cherchent à s'en-
dormir. Mieux vaut, au reste, pour un peuple l'exaltation des idées que
la résignation de l'abrutissement.
     Le danger du socialisme, comme organisation sociale, nous préoc-
cupe donc peu : nous n'y croyons pas. Quand ses théories seront appli-
 cables et appliquées, c'est qu'elles seront devenues utiles, et que tout le
 monde les aura acceptées. Jusque là, elles resteront à l'état d'hypo-
 thèse, et nous avons foi dans la discussion (si on la laisse libre) pour
 les empêcher de devenir un péril sérieux. Ce qui nous parait plus
 digne d'attention, c'est l'ensemble avec lequel toutes les sectes socia-
 listes ont adopté le même moyen pour mettre leurs idées en pratique.
 En effet, si les prétentions étaient diverses, si toutes les écoles n'al-
 laient pas d'un pas égal à l'attaque de la vieille société, si elles diffé-
 raient par leur point de départ et le but auquel elles se proposaient
     arriver, toutes, au moins, s'entendaient sur la méthode qui devait
  jeur permettre de réaliser leur idéal. Ce moyen n'était que l'interven-
  tion du gouvernement. Les plus rationalistes, comme les plus senti-
  mentales de toutes ces sectes, comptaient bien plus sur le concours de
  j autorité centrale que sur l'adhésion de la raison individuelle, sur la
  loi que sur le dévouement. C'était toujours, c'était partout la main
    ourde, maladroite et brutale du pouvoir, placée sur le cœur de chaque
  citoyen pour en égaliser et en réglementer les palpitations.
      Cette conception, si elle ne trouvait pas des obstacles matériels in-
  surmontables , n'échouerait pas moins devant les impossibilités
  morales ; car une révolution sociale n'est que la conséquence d'une
  révolution morale accomplie antérieurement. Vainement , les faits
  voudraient précéder les idées ; les attaques a priori contre la pro-
  priété n'ont jamais réussi. Il faut autre chose pour en venir à bout que
  des surprises de nuit ou des subtilités d'ergoteurs. Singulière aberra-
  tion de croire la communauté possible, même avec le concours du
  gouvernement, avant que les hommes soient communistes, de décréter
  l'association, avant que les sentiments qui en sont la substance elle-
   même, soient partagés par tous ! 11 serait aussi facile d'ordonner la
   vertu, ou de condamner quelqu'un à la joie. Et, pour rendre la con-
   tradiction plus choquante, ces doctrines sur l'extension illimitée du
  pouvoir ont éclaté avec le plus de force, précisément à l'époque où on