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204 m L'INSTITUTION BU JUGE. IV. Droit humain. Après le droit divin, poétique, époque de symbolisme, où le juge se confond avec le prêtre, vient l'âge du droit héroïque, du droit de la force et de la violence. Le juge est alors un homme fort, un héros, le fils d'une race supé- rieure, qui garde comme un mystère les secrets de la justice, ou q»1 est toujours prêt à descendre de son siège pour défendre son jugement les armes à la main. Sous l'action du temps, les races superposées par la conquête tendent à s'unir, à se confondre. L'activité humaine s'affranchit par le travail et l'amoncèlement toujours grandissant de connaissances nouvelles- Les divinités grossières de l'âge poétique se transforment en phéno- mènes de la nature. La notion de la divinité s'élève plus haut. A la force succède l'égalité des rapports : c'est l'âge d'une civilisation pro- gressive, dans laquelle chaque nation a marché, plus ou moins loto) sans atteindre le terme inconnu, où le droit ne sera plus que la justice de Dieu. A cette troisième phase du développement des sociétés, on voit naître l'ère du droit humain. La loi n'est plus pour quelques-uns, elle est pour tous. Elle ne s'enveloppe plus de mystères, de formules ri- tuelles. L'équité a remplacé la raison d'état ; la jurisprudence n'est plus un patrimoine sacerdotal ou militaire ; la justice est le pain dont toutes les bouches peuvent se nourrir. h'ager rorrtanus s'est élargi aux dernières limites de l'empire ; l a marche germanique s'est étendue sous la main de Charlemagne ; l'a- leu, cette petite terre souveraine, le fief, cette vassalité dominatrice, se sont fondus dans le champ national. Le droit privilégié, haineux, comme disait Boutellier, le droit noblei le droit clérical se sont évanouis dans le droit de l'égalité, dans le droit fraternel. L'unité est trouvée, la nationalité est constituée. La Révolution française a fondé l'âge de la loi pour tous. Le juge n'est plus qu'un magistrat citoyen. Peut-être un jour, ne sera-t-il plu6 qu'un juré!