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      CHRONIQUE                                 ARTISTIQUE.

   Les temps que nous traversons, fertiles en grandes actions, en dévouements hé-
roïques, en nobles aspirations vers le perfectionnement social, ne sont pas également
favorables aux progrès de l'art. Il en souffre à la fois et dans son essence créatrice,
et dans son culte, condition indispensable de celle-ci. S'il suffisait de vagues élans
de l'âme pour fonder une œuvre durable, quel milieu pourrait-on désirer plus pro-
pice à son éclosiou que cette mobile et brûlante atmosphère, où la pensée se sent
emportée depuis Février ? Mais la nature ne comporte, dans aucun de ses procédés
générateurs, une modalité semblable ; et l'art même, ce reflet le plus rapide de l'é-
manation intellectuelle, n'échappe point à la loi qui proportionne partout la durée
 du labeur d'enfantement à l'avenir du produit qui en doit naître. Au milieu de ces
 alternatives qui, tour-à-tour, l'échauffent et le resserrent, le germe précieux se des-
 sèche et périt ; car un calme absolu ne lui est pas moins fatal que le tourbillon
 furieux des orages politiques ; et la stoïque poitrine qui, par impossible, renfer-
 merait assez d'indifférence pour le défendre contre leurs atteintes à chaque instant
 renaissantes, le tuerait bien plus sûrement encore, en y étouffant sous son manteau
  de glace la source de toute vie.
    Plus qu'aucune de ses sœurs, la Musique peut braver les intempéries révolution-
 naires. Semblable à la déesse qui sortit tout armée du cerveau de Jupiter, cet art
 naît avec nous, se développe, pour ainsi dire, comme une partie de l'aggrégat hu-
 main ; et son exercice, fonction d'un de nos organes, réalisation d'un de nos besoins
 naturels, n'a rien de commun, sous ce rapport, avec l'élaboration tout artificielle,
 et nécessitant toujours un appel exprès de la volonté, dont le résultat constitue les
 œuvres de peinture, d'architecture, etc. — Mais ce jet rudimentaire, que serait-il
 si, a son tour, l'intelligence ne venait le diriger?.... Tout simplement ce qu'est lapri-
 mitive canzon du conladino de Rome, ou du lazzarone de Naples, à côté des im-
 mortels accords de Rossini.
    Il est donc fort à craindre que, plusieurs années encore, nous ne soyons réduits,
 en fait de compositions, à vivre sur un passé que les loisirs des dernières années
 oyaient fait suffisamment riche, mais dont une longue habitude nous rend aujour-
    n»U»joiiissance passablement fastidieuse. Je déplore, pour ma part, cette péuu-
 ne
     ; je la déplore d'autant plus vivement, que les causes même qui l'entretiennent
 ajoutent aux regrets qu'elle doit inspirer. Sans doute je m'abuse ; mais il me serait
   mpossible de chasser entièrement celle illusion, que la musique adoucirait nos
  mœurs, déposerait les masses à des sentiments plus réellement socialistes, contri-
  buerait, sinon à ramener l'union, du moins à permettre de l'enseigner avec plus de
 truit. Je ne dirai p a S ) a v e c l e m a î t l . e d e ^ j o u e du Bourgeois-Gentilhomme, que
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