Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
126                    COUP-D'OEIL SUR L'ALGÉRIE.

mauresque, c'est-à-dire la femme mauresque pauvre, âgée, ou exer-
çant une profession méprisée, car le reste ne se montre pas. Sous la
garde de maris jaloux et des négresses qui les servent, elles vivent
retirées au fond de leurs salles de marbre, aux murs revêtus de por-
celaine, sans voir, sans entendre, sans connaître rien de la vie exté-
rieure. Le soir seulement, quand la nuit tombe, elles montent sur leurs
blanches terrasses respirer un peu d'air et jeter un regard sur le ciel,
qui n'a pas de rayons pour elles, sur cette ville dont elles ne connais-
sent ni les rues, ni les habitants, sur cette mer qu'elles ne franchiront
jamais... Peut-être, beaucoup ignorent-elles qu'au-delà de ce vaste
champ d'azur, il est d'autres terres et d'autres hommes, une autre re-
ligion qui a rendu à la femme sa dignité, qui en a fait la compagne
de l'homme et non son esclave... —La jalousie des grands va même
jusqu'à envier à ces pauvres recluses un regard jeté au-delà du domaine
conjugal; leurs terrasses sont entourées de hautes murailles,qui attris-
tent encore la nudité extérieure des maisons mauresques.
   Cette captivité des femmes,et, d'un autre côté, la rapacité des Deys
d'Alger, qui faisait craindre aux grands de montrer leurs richesses,
expliquent à l'Européen surpris cette pauvreté extérieure et le luxe
éblouissant des intérieurs mauresques. Là, les lits de bois de cèdre aux
ornements de cuivre sculpté, les rideaux de mousseline et de soie,
les moelleux tapis, les soyeux divans, les meubles ciselés, peints et
dorés, les vases de porcelaine ou d'argent, arrangés avec art dans de
petites niches ou fenêtres intérieures à vitraux coloriés, les portes
de bois précieux, légèrement sculptées et percées à jour, les plafonds
 recouverts de riches boiseries où brillent l'or et les vives couleurs, les
murs couverts de marbre et de porcelaine, les colonnettes de marbre
aux chapiteaux chargés de feuillages et de fleurs,que les seigneurs mau-
res faisaient venir à grands frais d'Italie ; là les tentures de velours et
d'or, les riches armes de Damas appendues en trophées ; là des mara-
bouts, où l'art et la fantaisie ont épuisé leurs inspirations ; des salles
aux bains de marbre. Une cour intérieure, au milieu delaquelle s'élè-
vent une fontaine, un obélisque ou une pyramide de plantes fleuries,
laisse pénétrer l'air à travers sa double galerie de marbre, et le ré-
pand, frais et parfumé, dans les appartements qui l'entourent. Des
fleurs montent autour des barrières de bois sculpté des galeries. En
 été, une toile peinte, jetée sur cette cour, n'y laisse pénétrer qu'un
 demi-jour plein de fraîcheur et de mystère.
    Pauvres ou riches,toutes les habitations mauresques offrent la même
 disposition : une cour carrée, ceinte d'une double galerie soutenue sur