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CHRONIQUE LOCALE. 447 fi t puisque les offrandes lardaient à venir, on a imité Mahomet, ou est allé vers les offrandes ; on a souné aux portes , d'étage en étage ; qui donc a pu se refuser à souscrire ? Ce qui nous a donné à penser que le public était en train de lésiner avec Napoléon, et qu'il lui marchandait avec ténacité sa statue équestre, c'est la lecture de grandes affiches où le grand nom de Napoléon était accolé à celui de Musard ; 6 misérable enchère de la gloire ! il a fallu, pour stimuler le zèle du souscripteur, distribuer en primes des billets pour le bal du Colisée ! Musard a été mandé, et Musard s'est laissé attendrir en se rappelant qu'il avait mérité ce surnom de Napoléon du quadrille ; c'est Maintenant celui-ci qui protège celui-là . L'apolhéose aura lieu, au Colisée, entre une polka et un galop. Il n'y aura pas de bassins à la porte. O grand homme ! voilà ce que nous faisons de ta gloire, de ton nom, de ce nom lui sert de ralliement à tous les mondes , car tous les mondes , quelle que soit la langue qu'ils parlent, le comprennent et le glorifient. Vingt ans avaient suffi pour 9i«e ton règne devînt une tradition ; tu avais la poésie sacrée des choses antiques, c e demi-jour de l'histoire qui grandit les héros ; nous ne sommes plus occupés qu'à te rendre prosaïque comme nos pensées et haïssable comme nos ambitions. On traîne ta grande ombre dans les carrefours ; elle est condamnée, pour le besoin de quelques intrigues, à faire la parade sur les tréteaux de la politique. On exploite ta cendre et on fait de ta tombe un piège à loup, pour que la libellé y trébuche. Pau- s e s abâtardis que nous sommes, nous admirons non pas la lumière de ton soleil, Mais ses taches ; c^est l'organisation de ta police qui nous ravit. Nous bornerions v olontiers nos vastes désirs à la faire revivre avec ses délations et ses vilenies. À tes compagnons d'armes, nous préférons Fouché, et quand nous avons, comme toi, •Oaudit et conspué l'idéologie et les idéologues, nous croyons te ressembler; tu dois "ieu rire, toi qui sais maintenant que c'est l'idéologie qui t'a vaincu. Au surplus, cette sorte de renaissance impérialiste qui nous menace nous étonne Peu. C'est la fortune de toutes les idées , de tous les principes, de tous les grands •ails qui ont vivement frappé l'imagination du monde d'avoir leur heure de renais- sance; heure rapide et le plus souvent inféconde. Les sociétés, comme les indi- vidus, sont quelquefois obsédées de rêves et de souvenirs ; on peut revoir encore •es choses mortes, mais seulement à l'état d'apparition et de spectre.