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LA CONSTITUTION. 369 même enlevé cet obstacle de la Constitution qui aurait bridé les so- cialistes comme il vous bride vous-mêmes ! Vous déblayez le terrain pour eux ; vous leur mettez dans les mains tous les pouvoirs, toute la société, toutes les existences ! Ah ! que vous leur donnerez sujet de vous remercier ! Nous croyons comme vous que les opinions, sinon pures socialistes, du moins radicalement démocratiques, s'étendent dans les esprits, et nous en signalons la cause. C'est que ce sont peut-être de mauvaises opinions, mais enfin ce sont des opinions, qu'il faut combattre comme telles, sur le terrain de la liberté et non sur celui de la compression. Vous les prenez à rebours ; en les comprimant, vous leur donnez de la force. Mais, quoi qu'il en soit, le. fait est reconnu par vous ; il est. le sujet de toutes vos plaintes contre ce que vous" appelez la propagande socialiste, comme si le droit de toute opinion n'était pas de s'étendre et de se propager, et enfin, après être devenu majorité, de s'implanter dans les pouvoirs, et de s'emparer du gouvernement et de l'adminis- tration, suivant les formes constitutionnelles- La question est donc de saVoir s'il faut enlever à ces opinions extrêmes la bride de la Constitution qui les limiterait, et, moyennant cette limite, nous disons qu'il n'y a pas lieu de s'effrayer du triomphe d'une opinion quelconque. 11 y a deux éventualités où le triomphe du parti qu'on appelle rouge pourrait avoir un résultat incalculable, im- mense. La première serait celle où ce parti surgirait au pouvoir à la suite d'un mouvement révolutionnaire qui briserait devant lui toutes les résistances de la société ; la seconde serait celle où il deviendrait légalement majorité d'une assemblée constituante devant laquelle il n'y a aucun pouvoir debout. Mais admettez l'hypothèse où ce même parti obtiendrait la majorité d'une assemblée législative élue dans les termes de la Constitution ; admettez, si vous le voulez encore, qu'avec la ma- jorité de l'Assemblée législative, il apporte de plus la nomination du Président de la République, eh bien ! envisageons les conséquences. Le pouvoir pencherait du côté opposé à celui où il penche mainte- nant; on s'efforcerait de pousser la Constitution à gauche, de même qu'on s'efforce aujourd'hui de la pousser ta droite ; on destituerait les préfets monarchiens comme on destitue les préfets républicains. Mais, à toute tentative absolue et radicale, la Constitution serait une barrière de même encore qu'aujourd'hui. Le dépôt du pouvoir a de telles nécessités qu'il y a bien moins de distance qu'on ne s'imagine entre le gouvernement d'un parti et celui de tel autre. Puis, ainsi que les éléments de la majorité actuelle sont divers et opposés, la même