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730 IMPÔTS SUR LES BOISSONS. Vainement, nous répèterait-on cette banalité que les vins ne sont im- posés que parce qu'ils sont éminemment imposables. Pour qu'une ma- tière fût éminemment imposable, elle devrait se prêter à la répartition d'une taxe ad valorem : c'est-à -dire que l'impôt devrait croître ou dimi- nuer avec la valeur de l'objet imposé. Mais les vins échappent à l'esti- mation par leur variété, et on ne peut tenir compte de leur qualité et de leur valeur vénale dans les tarifs. Aussi, les vins vendus en détail) qui sont généralement inférieurs, paient-ils un droit énorme, tandis que les vins des crûs supérieurs destinés à l'exportation sont affran- chis de toute imposition. Il faudrait ensuite que tous les consomma- teurs pussent être atteints proportionnellement à leur consommation. Or, rien de semblable n'existe, et rien de semblable ne peut exister. Dans l'état actuel, douze millions de Français, ceux qui récoltent ou qui habitent les lieux de production sont exempts de tout impôt. Dix- huit millions paient un droit élevé, et cinq millions, habitant les villes, sont soumis à une taxe exorbitante : voilà pour l'impôt général. Mais, en nous occupant seulement de l'assiette de l'impôt au détail, qui rap- porte quarante-huit millions, nous voyons que trente millions de Fran- çais, habitant les communes au-dessous de quatre mille âmes, paient trente-quatre millions, pour leur consommation en détail, soit 1 franc 14 centimes par tête, tandis que les cinq millions de Français qui ha- bitent les villes d'une population supérieure à quatre mille âmes paient près de quatorze millions, soit 2 francs 76 centimes par tête pour leur boisson achetée au détail. Comment, d'ailleurs, concevoir qu'une matière soit éminemment imposable, quand l'impôt qui pèse sur elle coûte 18 p. %? Effets du régime protecteur. — Nous n'aurions entrevu que la moitié de la question, et nous n'aurions rempli que la moitié de notre tâche, si, après avoir examiné les charges qui pèsent sur la production et la consommation des vins à l'intérieur, nous omettions de signaler les obstacles qui s'opposent à leur exportation. 11 semble peut-être, au premier abord, que nous nous éloignons de la question, attendu que ces obstacles ne sont pas l'œuvre de notre législation ; mais nous ne pouvons admettre cette lin de non-recevoir. En effet, les prohibitions ou les droits élevés dont le régime protec- teur a frappé l'importation des produits étrangers ont eu pour résultat de provoquer des représailles de la part des nations qui pouvaient nous offrir les débouchés les plus favorables. A leur tour, elles ont établi ou mainlenu des droits énormes à l'importation des produits