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                     CHRONIQUE                   MUSICALE.


     RÉUNIONS SYMPHONIQUES DU CERCLE MUSICAL.




   Le théâtre nous laisse à propos, cette fois, un peu de liberté. v Profitons-en pour
aller visiter, dans sa solitude, une muse plus discrète, qui sait préférer aux bruyants
éclats de la foule le tribut de quelques hommages d'élite. L'administration du Cercle
Musical vient d'ouvrir la saison chère aux dilettanti par l'annonce de séances artis-
tiques, qui seront, dit-on, combinées de manière à stimuler, épurer et satisfaire tout
à la fois le goût de nos compatriotes pour les jouissances mélodiques. — Ce but
complexe a d'abord pu paraître difficile à réaliser dans son ensemble. Mais, en en
confiant la poursuite au zèle de George Hainl, les administrateurs savaient bien, et le
public a déjà pu voir que, entre ses habiles mains, le bâton.de chef d'orchestre de-
viendrait la baguette magique pour qui nul miracle n'est impossible.
   Ce n'est point, en effet, non grâces à Euterpe ! ce n'est point à une résurrection
qu'il nous a été donné d'assister, samedi dernier : c'est toute une transfiguration.
L'orchestre introuvable d'il y a cinq ans, qui nous avait le premier initiés aux dou-
ceurs du régime républicain en égalisant sous son archet niveleur Beethoven et
Loisa Puget, Grisard et Pergolèse, a totalement disparu. A sa place, a surgi du sol
lyonnais une phalange compacte, ardente mais attentive, mue en sa masse entière
par un ressort unique. Le même souffle semble l'inspirer ; la même âme soupire à la
fois par les voix si diverses de cette Babylone instrumentale.
    Sans doute, il y a encore à faire ; sans doute, l'effet général s'est quelquefois res-
senti, samedi, des hésitations d'une première exécution ; sans doute, je pourrais
mettre à l'ordre du jour quelques altos brouillons, quelques seconds violons traî-
nards.... Mais, le progrès est déjà si visible sur les années précédentes, qu'un pas
de plus sera aisément franchi. — Ne vous endormez pas sur ce succès, cher direc-
 teur. Eliminez, éliminez sans pitié l'amateur,] s'il ne justifie de Jpapiers en règle
signés Baillot, Brod, Dorus ou Batla. Vos pouvoirs pour exclure, me direz-vous,
sont limités par les bienséances. D'accord ; mais la tactique vous reste; cette pro-
vidence des faibles sera notre sauveur à tous. Groupez vos masses en conséquence ;
étouffez-moi entre deux artistes cet amateur obstiné. Qu'arrêté par le coude de
Cherblanc, glacé par le souffle de Donjon, le père B. n'ose risquer sa cadence favo-
rite, sans rencontrer un regard ironique. Vous l'aurez bientôt forcé de quitter la
place, ou réduit au rôle inoffensif de tourneur de feuillets.