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                  CHRONIQUE POLITIQUE.




    Ce serait l'heure de faire ici l'oraison funèbre de la Revue, car elle
 meurt, notre modeste lievue ; et, quand ma plume aura rempli les trois
 ou quatre pages de chronique qui la terminent, elle sera morte, bien
 morte, sauf peut-être à renaître dans quelque temps, si une destinée
 moins inclémente le permet.
   Née sous l'état de siège, —fâcheuse étoile, — elle meurt sous l'état
de siège, après avoir duré un an. N'est-ce pas dire que l'air lui a tou-
jours un peu manqué, que le ciel n'a jamais été constamment vide de
nuages et de menaces ? Tolérée, mais non libre dans toutes ses allures,
elle a dû, en plus d'une occasion, se ressentir du milieu comminatoire
dans lequel elle s'est trouvée placée ; toutefois, si elle s'est fait une loi
d'être toujours modérée dans son langage et dans ses appréciations, c'est,
de propos délibéré, par conscience et par système, et jamais au détri-
ment de son indépendance.
   Nous mourrons donc humblement, sans ostentation, sans agonie
bruyante; en un mot, nous mourrons comme nous avons-vécu; nous n'a-
vions pas appelé de grosse caisse à notre baptême, il n'y en a pas non
plus à nos funérailles ; on pourra peut-être répéter à notre adresse cette
vieille épigramme de Voltaire •. l'Académie de Lyon est une bonne fille
qui n'a jamais fait parler d'elle; qu'importe ! nous ne nous en fâche-
rons pas. 11 se peut bien que l'envergure de notre drapeau ne fût pas
grande, il se peut qu'il ne flottât pas sur une haute cime, mais, néan-
moins, nous avons la profonde conviction qu'il était planté au bon
endroit, ni trop en avant ni trop en arrière, juste à ce point que la
simple raison et l'intérêt, à défaut de considérations plus élevées, in-
diqueraient à tout le monde, si tout le monde aujourd'hui, au milieu
des déclamations des partis, ne semblait pas prendre à tâche d'obs-
curcir sa propre conscience.
   La parole est aux violents ; voilà le fait qui nous frappe surtout, dès
que nous jetons les yeux sur le monde politique, voilà le danger, le
danger actuel. Où en serions-nous, si l'esprit public était réellement