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OHROiMQUU POLITIQUE. 773 au diapason de la presse des partis? Heureusement, il en est à cent lieues; il suffit, pour en être convaincu, de regarder autour de soi, de causer une minute avec le premier négociant, le premier ouvrier venu ; si le public croyait à la moitié de ce qu'il lit dans les journaux, s'il pre- nait au sérieux les haines, les colères, les impatiences qui éclatent chaque matin dans la presse, s'il les partageait surtout, nous serions depuis longtemps en pleine guerre civile. Bien fou celui qui emploie- rait son temps à faire autre chose que ses malles ou des cartouches. Il y a donc sous cette tempête de paroles qui roule d'un bout du ciel à l'autre, une France calme, quoi qu'on dise, un peuple étranger aux fureurs des partis, une majorité sans colère, et véritablement maîtresse de la situation ; or, c'est précisément cette majorité qui est à peine re- présentée dans la presse. Tandis que les clairons des partis sonnent la charge à ses oreilles, elle travaille, elle produit, et quelquefois elle s'oublie jusqu'à se distraire ; c'est à n'y rien comprendre. L'étranger qui passe nos frontières est tout surpris de ne pas entrer dans une fournaise ; il s'étonne tout haut du calme qu'il rencontre. Le provin- cial, en débarquant à Paris, n'éprouve pas une autre impression; partout, la réalité sociale est en contradiction avec ce qui s'imprime ; partout, les faits donnent un démenti aux fictions intéressées de la parole écrite. Eh bien ! c'est à cette majorité et surtout à la partie bourgeoise de cette majorité que nous adresserons nos novissima verba. Notre con- viction est que la Bourgeoisie a un rôle très-important à remplir; il est temps qu'elle réagisse, s'interroge, et ne se considère plus comme la proie docile des partis ; la leçon de Février est encore vivante ; elle doit savoir ce qu'il en coûte à donner sa démission au moment des crises, à s'effacer quand les circonstances, devenues plus difficiles, exigent impérieusement de la décision et de l'initiative ; c'est avec tris- tesse que nous remarquons chez elle une fâcheuse propension à laisser agir les événements, à laisser faire la destinée pour ainsi dire. Ne comprend-elle pas que c'est se préparer d'avance un rôle de vic- time, quel que soit le parti qui triomphe ? A cette heure, la Bourgeoisie a dans ses mains la paix, l'ordre, la liberté, le progrès ; toutes ces grandes choses dépendent de la conduite qu'elle tiendra d'ici à 1852; il suffit qu'elle dise: non, pour que la contre-révolution ne passe pas ; mais si elle dit : oui, il n'est pas sûr au même degré que la contre-révolution passe ; il est certain seule- ment que la carrière des guerres civiles sera ouverte. Toute-puissante pour couper court aux entreprises des vieux partis, elle est sans force pour enchaîner l'avenir. Son ambition doit se borner à ne pas laisser