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758                         OU ALLONS-NOUS?

 religieuse ? Si le droit des consciences et des intelligences doit être nié,
n'est-il pas naturel que ce soit au nom du souverain maître, au nom
 de Dieu ? Quel desordre, si la vérité légale était opposée à la vérité re-
 ligieuse, et si, au nom de la société civile d'une part, et de la société
 religieuse de l'autre, on venait imposer des jougs contradictoires! H
 faudrait alors que les consciences et les intelligences fussent appelées
 à choisir ; mais le choix, c'est la liberté. Il y a donc nécessité que
 l'autorité politique ne soit, dans l'imposition des croyances et des doc-
 trines, que l'instrument de l'autorité religieuse. Or, voilà le principe
de l'inquisition !
    Ainsi, de môme que nous avons eu raison de dire qu'en face de l'u-
 niversalité et de l'égalité des droits politiques, en vertu desquels tous
 coopèrent aux déterminations et à l'action de la société, il n'y a plus
 d'autre système logique que celui d'une volonté extérieure et absolue,
 nous devons pareillement constater que, hors du droit des cons-
ciences et des intelligences, hors de la liberté de conception, de dis-
cussion et de propagation des idées et des croyances, dans le système
de la vérité légale, on arrive, par voie de conséquence directe et légi-
time, à la vérité imposée au nom #de Dieu, à la domination univer-
selle et temporelle de l'Eglise, à l'inquisition. Tous les tempéraments,
tous les milieux, toutes les réserves ne peuvent être que des temps
d'arrêt. Une ère de liberté littéraire conduit à une ère de liberté philo-
sophique ; la liberté philosophique engendre la liberté religieuse et la
liberté politique. Voilà la marche en avant ; puis, attaquez l'édifice
par le faîte, il faudra en venir, de conséquence en conséquence, jusqu'à
le démolir par sa base.
    Que l'on choisisse donc, mais que l'on ne se fasse point d'illusion.
Si la société est faite de tels éléments que, livrée à sa propre volonté,
elle doive nécessairement courir à sa perte, alors il faut la traiter non
pas seulement comme un mineur en tutelle ; car la tutelle est de soi
 temporaire, il faut bien que l'époque de la majorité arrive, et nous
 attendons qu'on nous dise à quels signes on peut reconnaître qu'une
 nation est devenue capable de disposer d'elle-même. Nous craignons
 fort que ceux qui se plaisent à gérer ses affaires, et qui n'aiment pas
 les comptes à rendre, ne la laissent jamais passer que pour un enfant
 au maillot. Mais alors, il faut traiter la société comme un insensé
 condamné à une perpétuelle absence de la lumière de la raison et de
  la rectitude de la volonté. Voilà où en est la question ; et, pour échap-
  per à cette fatale marche en arrière, il n'y a qu'un moyen, c'est de
  nous retourner et de marcher en avant.
                                                         \iin.