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CHRONIQUE POLITIQUE. 751 roi pour Varennes ; il disait : Chaque citoyen gagne vingt sous de rente par la sup- pression de la liste civile. Cette plaisanterie qui chiffrait ainsi le bénéfice net de la fuite de Louis XVI, calma la colère et les soupçons de la multitude. En r83o, alors que la nation rêvait un gouvernement à bon marché, quelle était la première condi- tion de ce bon marché? la réduction de la liste civile ; la suppression de ce qu'on appelait la cour. Quel a été le grand instrument de popularité de Louis-Philippe en montant sur le trône ? son chapeau gris ; il en a abusé peut-être, comme on abuse des meilleures choses. Mais, en vérité, ce symbole n'était pas mal choisi ; après tout, les Présidents d'Amérique se contentent bien de cette couronne, et Wasington qui t n'en avait pas d'autre est égal aux plus grands rois. Il faut le dire aux personnes qui se forgent encore nous ne savons quel idéal car- navalesque de la monarchie : Si une monarchie quelconque est possible, ce que nous ne croyons guère pour notre compte, c'est à coup sûr uue monarchie bour- geoise, sans représentation fastueuse, la monarchie enfin réduite à sa plus simple ex- pression, la monarchie où le roi sera travailleur, et considéré comme tel. Les représentations fastueuses blessent le pauvre et l'irritent : le peuple sait trop bien aujourd'hui que c'est lui qui les paye. Croyez-nous, vous ne recom- mencerez pas plus Louis XIV que vous ne rebâtirez Versailles ; visez au grand par le simple, par le travail. L'idéal du siècle est là ; laissez de côté les oripeaux, les solennelles friperies ; n'essayez pas de nons donner une contrefaçon du fameux soleil de Louis-le-Grand. Le vôtre n'éblouirait personne. Une correspondance de la Gazelle de Lyon, du r3 de ce mois, nous apprend qu'à sa dernière revue le Président a distribué 10,000 francs. Avec de pareilles générosités, si elles sont vraies, nous nous étonnons que ce déficit de la caisse présidentielle se liquide par cette petite somme de quatorze cent mille francs. Nous tenons pour certain que les trois millions qu'il demande ne suffi- ront pas à couvrir ses largesses. Louis-Philippe ne s'en permettait pas de pareilles; et il avait raison, il n'en avait pas besoin. De bonne foi, est-ce que ces distributions d'argent sont bien désintéressées ? quand bien même elles le seraient, ce que nous ne voulons pas contester pour le moment, ne sont-elles pas au fond peu propres à relever la dignité du soldat? Ne tendent- elles pas à altérer son caractère. Le Constitutionnel s'indignait l'autre jour à propos de l'intention manifestée par quelques représentants de vouloir payer seulement les dettes du Président, sans lui constituer à tout jamais une liste civile, et il s'écriait : « Louis-Napoléon n'est pas un Président concordataire. » Non, mais à la manière dont il gère ses affaires privées et en s'en rapportant aux bruits que ses amis eux- mêmes mettent en circulation, il sera bientôt nécessaire de lui nommer un conseil judiciaire. Nous en avons peur.