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 752                            CHRONIQUE POLITIQUE.

   Un Président qui se ferait une prudente loi de rester dans les limites de son bud-
get, un Président qui ne ferait pas de dettes, qui ne s'exposerait pas à aller se repo-
ser nu jour à Cliehy du tracas des affaires publiques, un tel Président paraîtrait peut-
être prosaïque à beaucoup de m o n d e ; mais il serait fort de notre goût, nous l'a-
vouons. Il ne donnerait que ce qu'il pourrait donner, afin que personne ne put soup-
çonner une arrière pensée au fond de son ambition, se rappelant cette sentence de
Sénèque : « Celui qui donne en pensant à la récompense qu'il recevra, celui-là mé-
rite d ' é t r ê trompé. » Il se bornerait à ne vouloir être que le premier citoyen de son
pays, il mettrait sa gloire non pas tant à répandre d'abondantes aumônes qu'à fonder
d'utiles institutions ; on ne dirait pas de lui : le Président règne, on dirait le Prési-
dent travaille. Il n'attendrait pas tout du fanatisme des souvenirs, mais il attendrait
 tout de ses actes, et le passé, au lieu d'illusions dangereuses, ne lui enverrait que
des leçons de modestie et de courage ; chacun en ce siècle est tenu d'être fils de
ses œ u v r e s , même les Présidents. Bonaparte , premier consul, ne touchait que
5 o o , o o o fr. de traitement, fl logeait aux Tuileries et ne s'endettait pas.
   Cette question de dotation a été comme un projectile tancé par le ministère au
milieu du parti de l'Ordre ; adieu l'accord, la discipline, que le vote de la loi élec-
torale aurait du rendre éternels. Etrange contraste ! quand il s'est agi d'amoindrir
dans sa source la souveraineté nationale, tous les vieux partis se sont entendus à
merveille. S'agit-il de trois millions de dotation? la discorde éclate ; c'est que cette
question d'argent, en apparence peu importante, touche à la constitution même du
Pouvoir exécutif, et c'est précisément cette organisation définitive du Pouvoir exé-
cutif que chaque parti entend ajourner à son profit.
  Que dire, toutefois, des menaces adressées par le Cnnstilulionnel à la majorité ?
En bon français, elles signifient ceci : le Pouvoir exécutif compte sur votre recon-
naissance ; si vous ne votez pas les trois millions, vous n'échapperez pas à un conflit :
le Président se tournera du coté de la gauche, les folies socialistes iront leur train,
etc., etc. . 0 singuliers conservateurs que vous êtes ! quelle idée avez-vous donc du
pouvoir que vous défendez, pour l'avilir à ce point de le mettre aux enchères, sur
la mise à prix de trois millions ! Ce pouvoir, dites-vous, a bien consenti à protéger
la société ; mais ce sacerdoce social, il n'entend pas le continuer gratuitement. Les
secondes providences se paient, à ce qu'il paraît.
  Nous n'avons pas besoin de dire que le grossier CB*NT»GE du Constitutionnel         est
tout simplement injurieux pour le Président. Quand on s'appelle Napoléon, et qu'une
grande nation a fait de vous son premier magistrat, on ne joue pas sa destinée sur
une chétive question d'argent : on ne prend conseil que de sa conviction , et on agit
en droiture de cœur.                                                           T.

                                                      I.KOK Bomir. , gérant.