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CHRONIQUE POLITIQUE. Que la pensée soit venue au ministère de constituer au Président de la Républi- que une liste civile de trois millions, il n'y a rien là qui doive nous étonner ; de- puis longtemps l'existence besogneuse de l'Elysée n'est un mystère pour personne, surtout à Paris ; les créanciers y parlent quelquefois aussi haut que les Burgraves. Pauvre Président ! il faut le plaindre ; après tout , il agit envers la France comme on agit envers lui ; il tend la sébile parce qu'il ne voit que sébiles autour de lui. Ce n'est certes pas uous qui nierons ses vertus, qui calomnierons son bon cœur. Il est bien entendu que le Président est généreux, il ne saurait voir une infortune sans vouloir la secourir, soit ; mais la rumeur publique nous apprend aussi qu'à l'Elysée s'agite un entourage dont la majorité elle-même gémit à bon droit ; aventuriers politiques de toute date, de toute couleur, compagnons d'exil, anciens amis d'Angleterre, vieilles connaissances d'Amérique et de Suisse ; tout cela est dé- voué sans doute, mais tout cela n'est pas cousu d'or, — tout cela coûte ; tout cela fourre sans façon la main dans les poches du Prérident, tout cela mendie aux cris de vive l'empereur, et des mendiants aussi courtois sont difficiles à éconduire, on en conviendra. On s'exposerait peut-être à mettre des prophètes à la porte? D'un autre côté, le Président a eu ce malheur d'être pris, un peu par tout le monde, comme prétendant ; il en est résulté, malgré toute sa bonne volonté, malgré sa ferme résolution d'être fidèle à la Constitution, à ses serments, nous voulons le croire, que ses libéralités ont du revêtir des proportions quasi royales. PJ'enlendait-il pas répé- ter autour. de lui : Le Président s'endette, mais l'Empereur payera les dettes du Président. Il est vrai, au dire de certaines gens, qu'un chef de l'Etat ne saurait jamais répan- dre l'argent avec trop de profusion ; on attend généralement de lui qu'il jette à poi- gnées des pièces de cent sous par les fenêtres ; nous sommes, toujours au dire de ces mêmes personnes qui font, sans le vouloir, de la monarchie une question de tapis- sier, un peuple qui aime avant tout chez ses gouvernants le luxe, le faste, la pompe' la splendeur; il arrive pourtant que cette nation si profondément monarchique pousse les hauts cris dès que les gouvernants font appel à sa bourse ; ceux-ci ont beau dire : Peuple, l'argent que tu nous donneras, nous te le rendrons en fêtes, en encouragements à l'industrie et aux arts ! le peuple fait la sourde oreille, il se désaffectionne de ses chefs politiques. Et il en a été ainsi en 89 comme en i83o, en t83o comme en 1848 ; quelles questions ont été plus impopulaires que les questions de liste civile? Que disait Lafayelte, menacé par l'exaspération de la population parisienne, après le départ du