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744                  M. LE MARQUIS 1>E FOUDHAS.

elle ressemble à ces ivrognes de la rue qui cheminent en chancelant
jusqu'à ce que Je moindre choc les fasse tomber !
   Il ne reste plus qu'un but c l'auteur, c'est de retarder la chute qu'il
                                 à
prévoit, et qu'un moyen d'y parvenir, c'est de faire entendre, sans paix
ni trêve, à cette société engourdie dans ses vices, le tocsin qui lui an-
nonce la catastrophe prochaine au-devant de laquelle elle court, pous-
sée par la fatalité !
   La fatalité ! j'étais bien sûr de trouver ce grand mot dans quelques-
unes des pages de M. de Foudras ! — Le fatalisme n'est-il pas la reli-
gion de Messieurs les romanciers annalistes ? ( classification inventée
par M. de Foudras). Que d'événements, que de livres sont nés avec
l'excuse bienheureuse de la fatalité ! — Et je suis certain que les trois
volumes où se trouve raconté un Caprice de grande dame n'ont pas
d'autre raison d'être qu'une aveugle nécessité de médire de la so-
ciété actuelle,et de montrer ce que peut la fatalité, quand on ne lui op-
pose qu'une volonté affaiblie par les passions.
    Ce caprice, en effet, est tout simplement une horrible action, et j'ai
 besoin de croire au fatalisme pour le comprendre.
   Madame la comtesse de Montgazon aurait-elle pu, sans un entraîne-
 ment infernal et irrésistible, diner, souper et se lier     comment di-
rais-je?.. d'affection avec Arsène Guiscard, la courtisane dépravée et
 ignoble que toutl'aris connaît?
    La sœur de la vertueuse baronne de Saint-Herem, la mère de la
 charmante et naïve Marguerite, aurait-elle pu, sans un emportement
 aveugle, au mépris de son titre de grande dame, de son éducation pa-
tricienne, se mêler au dévergondage odieux d'une fille perdue, et
 après l'orgie, continuer avec elle d'indicibles relations ?
    Vous voyez bien que la fatalité est un système commode, et que M.
 de Foudras a bien fait de l'admettre. — Elle lui sert à expliquer des
 choses impossibles, puisqu'elles supposent chez les femmes ses hé-
 roïnes l'abandon du dernier sentiment qui, chez elles, survit à tous
 les autres, même à la pudeur : l'amour-propre.
    Et M. de Foudras, après avoir écrit neuf cents pages sur ce sujet,
 déclare, avec toute l'énergie d'une conviction arrêtée, que cette his-
 toire de scandale est l'expression fidèle de l'existence parisienne. Et
 son livre remplit les cabinets de lecture ; il se traduit dans toutes les
 langues ; on le trouve dans le boudoir de la femme, sur le bureau du
  mari, dans le pupitre de l'enfant ; on dévore ces chapitres, ces alinéas
  qui d'abord font germer dans l'âme le doute, et, bientôt après, la