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      UNION AGRICOLE DU SUD-EST DE LA FRANCE.

   Une tentative utile vient d'être faite à Lyon. Trois Comices agricoles de l'Isère
ont pris l'initiative d'une proposition qui aurait pour résultat de créer une vaste as-
sociation où les intérêts moraux et économiques de l'agriculture trouveraient des
moyens puissants de propagation, des secours énergiques, et une influence en rapport
avec leur importance réelle. Quelques hommes se sont rois au service de cette idée ;
et il n'a pas tenu à leur dévouement et à leurs lumières qu'elle fût accueillie avec
moins d'indifférence. Pour le moment, leur entreprise leur fait honneur ; le succès
viendra plus tard : c'est beaucoup déjà d'avoir osé commencer.
    Cependant, ils nous permettront, non à titre de critique, mais comme preuve de
l'intérêt que nous prenons à leur réussite, de dire quelques mots de leur programme.
Nous le trouvons un peu compliqué, un peu disproportionné à leurs forces, en un
mot, un peu ambitieux. Il renferme trop de vœux, trop de projets, trop de proposi-
tions : il manque de simplicité. C'est un bagage un peu lourd et qui retardera leur
marche, nous en avons peur. Il vaudrait peut-être mieux pour eux avoir moins d i-
dées à la fois, en choisir une, et se consacrer à sa vulgarisation. Qu'ils se fassent les
promoteurs d'une institution de crédit foncier, ou de caisses de retraite pour les
cultivateurs, les défenseurs des intérêts sacrifiés d'une branche d'agriculture, comme
la production vinicole par exemple, qu'ils prennent en main la cause de la liberté
commerciale, etc., nous leur garantissons d'avance que, dans l'une ou l'autre de ces
questions, ils fixeront plus aisément l'attention publique et rendront des services plus
éminents à leur pays.
   Au reste , nous les remercions sincèrement d'avoir pensé qu'il y avait dos
choses utiles à entreprendre, et en même temps des moyens suffisants pour les
accomplir, sans attendre le commandement ou le concours du gouvernement. L'ini-
tiative individuelle nous fait souvent défaut en France, et la persévérance nous
manque toujours. L'inquiétude du qu'en dira-l-on retient ou rabat notre vol, et le
ridicule devient le grand niveleur qui comprime les courages et rapetisse les carac-
tères. Combien nous différons, à cet égard, de la race anglaise ! Là, un homme en-
treprend une œuvre et y dévoue sa vie. Cette œuvre sera l'abolition de l'esclavage,
l'émancipation de l'Irlande, la réforme postale ou la liberté commerciale, et vous
aurez de puissantes individualilés, comme Wilberforce, O'Connel, Cobden, etc. Ils
commencent seuls ; personne ne les suivrait, que leur solitude ne les effrayerait pas.
Ils savent que chaque homme traîne l'humanité après soi en proportion de son
pnergie. Rien nu les distrait, rien ne les décourage, pas même le sarcasme. En
France, il n'en est point ainsi; et, s'il n'est presque pins de mode de courtiser le
roi, on a grand soin de ne pas'réveiller les susceptibilités de celle autre royauté fai-
néante et jalouse qui s'appelle le lieu commun. Nous avons élevé un autel aux choses
convenues. Quelle est la cause de cette différence entre nos voisins et nous ?Ne pour-
rait-ou pas l'attribuer en partie aux habitudes de décentralisation et de liberté réelle
dont jouit l'Angleterre? Là, le gouvernement n'a pas pris la place des citoyens, et
ceux-ci ont mis en eux mêmes la confiance que nous sommes accoutumés à placer
 dans l'autorité. Ils s'administrent, nous nous abandonnons.              J. B.

                                                    LÉON BOITEL , gérant.