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                              CHRONIQUE POLITIQUE.                                   717
lions de carrefours rehaussent ceux à qui elles s'adressent ; mais elles dégradent le
caractère national. Elles feront tache dans noire histoire.
    Pourquoi, cependant, toute cette agitation, toutes ces tempêtes ne dépassent-elles
pas une certaine sphère? Pourquoi la masse de la population reste-l-elle froide et
impassible ? C'est d'abord parce qu'elle ne partage ni vos impatiences, ni vos
craintes, ni vos passions ; c'est ensuite parce qu'elle sait bien que, sans elle, les res-
taurations, comme les révolutions, sont impossibles. Elle résiste à vos turbulentes
 fantaisies par sa seule force d'inertie. Les hommes qui révent de lui imposer leurs
 volontés se séparent d'elle peu-à-peu ; elle les laisse faire jusqu'à ce que, ne vivant
 plus de la vie politique dont elle est la source, ils tombent, pareils à des branches
mortes, sans secousse, sans ébranlement, et sans emporter un regret.
   Permettez-nous de faire «ne remarque : vous déployez sans doute aujourd'hui de
belles colères contre la République, c'est du courage, si vous le voulez ; vous trou-
vez cette forme de gouvernement incompatible avec nos opinions, avec nos mœurs,
c'est de la conviction, si vous le voulez encore ; mais enfin, ce courage et ces con-
victions où étaient ils, il y a deux ans ? Comment, alors que M. Ledru-Rollin nous
dépêchait ses aimables commissaires ; alors que la voix des clubs était sédi-
tieuse, la place publique agitée, les affaires suspendues, le crédit nul ; comment,
à cette époque de trouble et de tumulte, vous prêchiez le respect du suffrage uni-
versel ; à cette époque, la République semblait aux moins fervents d'entre vous une
épreuve qu'il fallait accomplir loyalement et complètement ; et maintenant que le
calme est rétabli, maintenant que vous avez fait de la République votre chose, que
vous disposez de toute l'administration, de toutes les forces de la société, vous trou-
vez que le suffrage universel, en vertu duquel vous existez, n'est plus bon qu'à être
congédié et la République à être jetée au feu. Que votre modération d'hier serve
au moins de leçon à vos fureurs d'aujourd'hui !
   Tenez, ce qui vous dépite et vous exaspère, vous M. Thiers, vous M. Montalem-
bert, vous tous enfin qui souhaitez la ruine de ce qui est, ce n'est pas tant l'appui
naturel que le prolétariat prête à la République, que les adhésions de jour en joui-
plus nombreuses qu'elle recueille dans les rangs de la bourgeoisie ; votre loi électo-
rale n'est, en réalité, qu'une réponse aux élections de Paris ; or, ces élections, qui
les a faites? Est-ce le prolétariat ? non, c'est la bourgeoisie. Aussi, dès à présent,
 uous tenons pour certain que la réaction, même avec le suffrage restreint, sera vain-
cue dans les comices. Si elle veut être logique et persévérante, elle doit aller jus-
qu'à la dictature.
   Et, en vérité, n'est-ce pas à cela qu'elle vise audacieusement ? Ne lisons-nous pas
 chaque jour des journaux qui la demandent? Ne rencontrons-nous pas des tripoteurs