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712               LEÇONS DE LITTÉRATURE COMPARÉE.

    Le héros et le chevalier ne sont-ils pas le même personnage dan*
chaque civilisation? Mais le héros romain Paul Emile crie à Persée
vaincu et prisonnier : VÅ“ victis !
    Le chevalier prince de Galles console noblement le roi Jean, son
prisonnier, après la bataille de Poitiers. N'est-ce pas la même âme qui
vit dans Régulus et Eustache de Saint-Pierre? N'est-ce pas l'amour de
la patrie qui les élève l'un et l'autre au sublime ? Mais le dévoûment du
Bourgeois de Calais semble plus attendrissant et plus beau, parce qu'il
est plus près du cœur humain.
    L'amour conjugal, dans Hector et Andromaque, dans le Cid et Chi-
mène, a peut-être la même tendresse ; mais il y a, dans le mariage
chrétien, le sentiment d'une union plus complète, plus égale, qui semble
franchir les espaces de cette vie.
    Des rhéteurs ont pu tomber, dans le jeu puéril des parallèles, com-
parer minutieusement tous les détails des traits, mettre en opposition
 des nuances, distinguer les teintes et se complaire dans l'analyse mi-
 croscopique de figures que trop souvent la fantaisie seule plaçait dans
le même cadre. Tel n'est point le procédé du professeur de Château-
 roux ; il dessine à grands traits, moins soucieux de faire l'anatomie lit-
téraire d'un poète que de mettre la main sur son cœur pour s'écrier :
Voilà ce que je sens battre dans cette noble poitrine !
    « Ce que Platon demandait pour sa république, disait-il avec cet
 « accent d'honnêteté qui commande la sympathie, serons-nous accusés
 « d'exagération, si nous le demandons pour la société, dans l'intérêt
 « de l'art comme de la morale publique ? Poètes de nos jours, si vous
 « chantez l'humanité et ses destinées glorieuses, la liberté et ses de-
 • voirs, la famille et ses saintes lois, la pairie et ses gloires ; si, après
 >
 « vous avoir entendus, nos jeunes gens se sentent plus désintéressés,
 > plus généreux, plus patients et plus forts, nous irons à vos speclacles
  •
 « avec nos enfants et nos femmes, et nous aurons pour vous des ap-
 « plaudissements et des couronnes. Si, au contraire, vous jetez dans
 « nos âmes découragées par le doute, desséchées par l'égoïsme, rétré-
 « cies par l'orgueil, les maximes de l'injustice ; si vous ne préconisez
 « que nos droits, sans parler de nos devoirs ; si vous séparez le sen-
 « timent national du sentiment religieux. Si, après vous avoir enten-
 « dus, nous nous sentons moins hommes ; si nous ne rougissons plus
 « d'être coupables ; si, à votre exemple, nous divinisons le crime, ah !
 « gardez vos chants homicides : le plaisir de les entendre serait acheté
 » trop cher. »
                                                            F.