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                     LYON APRÈS LE 9 THERMIDOR.                       701
tous ces gens si nombreux qui se mettent toujours à la suite d'un
mouvement. Ils formèrent ce qui a tant d'influence parmi nous, ils
formèrent la mode.
     Les proconsuls thermidoriens, les autorités qu'ils avaient instituées,
accordèrent beaucoup à cette opinion réactionnaire. Leur désir était
de la diriger, de s'en faire un instrument ; mais ils n'y réussissaient
pas toujours. Cette opinion était constamment en avant de leurs me-
sures, qu'elle provoquait, mais qu'elle jugeait insuffisantes. Les pro-
consuls étaient encore liés par les lois révolutionnaires ; eux-mêmes
étaient des Jacobins convertis, qu'on méprisait en les flattant, qui,
 souvent même, s'arrêtaient étonnés, et, dans leurs proclamations,
 leurs discours, leurs actes, faisaient un singulier mélange de leurs
 vieilles idées révolutionnaires et de l'esprit nouveau.
     D'une autre part, la direction de cette masse détachée de la Révolu-
tion était disputée aux thermidoriens par le parti royaliste pur qui,
 dans toutes les positions où la ville s'était trouvée, avait travaillé à
 y fomenter des divisions, et cherché ensuite à les tourner à son profit.
 Quoi qu'on en ait dit, la ville de Lyon, même en 1795, n'était pas
 royaliste, du moins dans le sens du royalisme absolu ; cela sentait,
 pour nous servir de l'expression dédaigneuse des émigrés, son 1790
 et son 1791 ! Mais les Bourbons exilés y entretenaient des agents très-
 dévoués et très-actifs, difficiles à découvrir et à convaincre, parce
 qu'ils se cachaient sous le voile d'une parfaite légalité républicaine,
 tout en se mettant à la tête de la réaction anti-terroriste.
      Et le peuple travailleur de Lyon, si attaché à la Révolution par son
  ancienne servitude, sa dignité relevée, ses intérêts d'existence ? Hélas !
  le peuple travailleur de Lyon était abattu par des souffrances exces-
  sives. Rappelons-nous que, l'hiver précédent, on lui avait distribué,
  pour le nourrir, une partie du produit des taxes révolutionnaires im-
  posées aux riches ; puis, le surplus de ces taxes avait passé en salaires
  aux ouvriers démolisseurs : aumône et salaire faits à un égal degré
  pour démoraliser, mais qui, du moins, donnaient l'existence maté-
  rielle. A cette époque aussi, la rigueur des lois sur le maximum et
  l'assignat produisaient un certain résultat. L'assignat était presque
  au pair de l'argent : les subsistances arrivaient difficilement et à grand
   effort de réquisitions ; toutefois, elles arrivaient. Mais aucune époque
  de la Révolution ne fut si dure à traverser pour le peuple que l'hiver
  de 1794 à 1795. Les lois sur le maximum et le papier-monnaie
   subsistaient encore, sans être exécutées avec l'appareil de terreur qui
   seul avait pu leur donner une sorte de vie ; elles étaient discréditées