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686 CHRONIQUE MUSICALE.
aux plus chaudes allusions ont montré à qui veut entendre le vrai sentiment du pu-
blic. Ce silence sWa-t-il un avertissement assez clair? Il suffisait du temps des rois.
Méditez-en les leçons, vous qui voulez à votre tour mener les hommes à coups de
prospectus.
L'auteur des paroles n'a pas eu seul à souffrir de l'inopportunité de cet A-propos.
Le compositeur n'a pu si bien maintenir sou indépendance, qu'il ne se soit plus d'une
fois laissé dominer par le ton assoupissant de ce monocorde uniformément monté au
diapason d'un dithyrambe perpétuel. Jusqu'ici, en général, le Chauvinisme n'a pas
fait vibrer plus heureusement les violons que la lyre. Et, chose tout-Ã -fait nouvelle
dans les associations de ce genre ! ce serait, cette fois, au collaborateur de M. Scribe
de porter plainte contre son confrère,sauf.bien entendu, le recours de celui-ci envers
la partie peu civile qui l'a fourvoyé dans ce guêpier politico-sentimental. La mu-
sique faisait-elle un instant oublier son accompagnement obligé de platitudes rimées
eu style de prospectus? Bien vite l'illusion se brisait, dès qu'on venait à entendre
le trait final. Pendant la première romance, délicieusement écrite, délicieusement
chantée par Dufrêne, j'apercevais au parterre mon excellent ami Maliès, ravi
comme moi par cette suave mélodie. Sans y penser, peu-à -peu, je le vois exécuter
instinctivement, dans ses divers temps, la petite manœuvre du dilettante en incuba-
tion d'un bravo : il relève les genoux, y assure son chapeau, ramène ses mains Ã
portée.... quand tout-à -coup éclate le dernier vers :
Lyonnais ! Lyonnais ! je vous aime !
A ce malencontreux souvenir d'affiche, adieu les applaudissements projetés. —
C'est quelque rouge, direz-vous. Mais l'état de siège nous donnera bien raison de sa
tiédeur pour nos œuvres. — Essayez donc de le faire claquer, quand les bras lui eu
tombent !
Nous ne refuserons pas cependant à M. Clapisson un juste tribut d'éloges. S'il est
glorieux de faire quelque chose de rien, c'est se montrer doublement créateur que
de savoir trouver d'aussi charmante musique, en dépit du poème. Après une intro-
duction pleine d'entrain, le chœur d'ouverture, qui peint toute la population en
liesse, a été vivement et dignement approuvé. Le grand duo concertant entre la
cannelle et le mousquet, morceau capital de l'ouvrage, renferme des beautés de pre-
mier choix, qu'une orchestration neuve et délicate fait heureusement ressortir. La
marche qu'exécutent les dragons a presque entraîne un mouvement d'enthousiasme.
J'aime beaucoup moins le chœur-prière, dont le mouvement, un peu compassé, au-
rait besoin, pour prendre couleur, d'une mélodie plus nettement dessinée. Quant au
dernier air, la cantatrice ne me paraît décidément pas s'y être suffisamment iden-