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CHRONIQUE MUSICALE. 685
pour trente sous, à la fois prendre un billet de parterre et bien mériter d'une gloire
nationale ?
Courage donc, instituez des loteries, créez des primes, prodiguez les cadeaux aux
souscripteurs ! Appelez toutes les célébrités de l'annonce : après Musard, Soullier ;
après Souilier, ClapUson ; après Clapisson, que sais-je ? le Clyso-Pissavy ! Ne flé-
trissez pas à demi la plus belle illustration de ce siècle. Et qu'il soit bien entendu
que pas une obole n'est tombée dans votre caisse, que le limonadier du Colisée, le
cheval Soliman, ou les dames du corps de ballet n'en puissent, et très-légitime-
meut, disputer l'honneur Ă NapoIcon-le-Grand !
Je pourrais excuser cetle tentative de découronnement moral de la gloire : car,
après tout, celle-ci est bien de taille à se défendre. Mais une chose m'indigne et me
révolte plus encore dans ces parades soi-disant patriotiques : c'est le rôle de com-
père-niais qu'on y impose toujours au public ; ce sont les flatteries banales, prodi-
guées pour extorquer quelques applaudissements. Vous savez ce que l'adulation
produit aux fiouls ceints du diadème. Eh ! quel effet n'en faut-il pas redouter pour
la cii'elle de ce pauvre spectateur mis, deux heures durant, en demeure de s'ap"
plaudir soi-même à tout bout de couplet? — Si, du moins, on consentait à ne lui
donner de l'encensoir que sur les côtés du visage ! Mais point. N'ayez peur qu'une
seule de ses vertus soit oubliée : le panégyriste aurait vraiment bonne grâce à lési-
ner, quand on l'a d'avance payé à la porte !
L'argent ; voilà le vrai but, la seule Cn de ces misérables flagorneries. Certes,
Lyon n'est ni le chef-lieu de la Béotie, ni la terre des honteuses capitulations. Mais
pourtant, quand on lui répète sur tous les tons que l'Empereur distingua toujours
ses enfants parmi les fils de la victoire; quand on lui vient chanter :
cité chérie ,
Par les arts et le génie,
En tous lieux tu régneras.
La citt chtrie doit bien se persuader que c'est à ses écus, non pas à son génie, que le
compliment s'adresse. Qu'elle s'y laisse prendre, et demain, elle va, comme M.
Jourdain, trouver des valets qui lui donneront de l'Altesse, pour avoir le fond de
sa bourse.
Lyon parait cette fois l'avoir compris ; et nous félicitons sincèrement nos com-
patriotes de la discrétion qu'ils ont m se à savourer les cassolettes qu'on leur passait
et repassait sous le nez. Est-ce à cette réaction d'hounéle homme, est-ce au mépris
des projets liberlicides que cache mal toute apothéose impériale, qu'il faut attribuer
le froid accueil fait, parmi nous, à une œuvre de Scribe, de Scribe, notre enfant
gâté? Toujours est-il, que beaucoup de places vides, qu'une indifférence obstinée