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662                         I1ES CONDITIONS

indéfinie, transportée tour-à-tour de la dictature à la démagogie, et la
pire des instabilités est celle qui procède par la guerre civile.
   Ce que nous appelons désordre, ce ne sont pas non plus les récri-
minations naturelles des partis politiques vaincus en 1814, en 1830
et en 1848. Nous reconnaissons les droits des minorités. Mais voici
ce qui est à nos yeux un désordre ; dans tout pays où il y a un gouver-
nement établi, mais contesté, la défense est au sein du gouvernement
lui-même, et les oppositions sont au-dehors ; c'est comme une place
forte qui résiste avec sa garnison contre l'ennemi extérieur. Voilà
l'état ordinaire et normal. Mais, que serait une forteresse où ceux qui
veulent la faire tomber seraient au sein de la garnison elle-même, tan-
dis que ceux qui veulent qu'elle résiste sont exclus de son enceinte ?
Nous ne voulons rien dire que ce que la conscience publique révèle à
tous. Pourquoi la République ressemble-t-elle à un provisoire qui
cessera d'être demain, ou à un héritier placé entre les mains de tu-
teurs qui convoitent sa succession, et pourquoi ne semble-t-elle vivre
encore que parce que les tuteurs avides se disputent d'avance l'héri-
tage? Il y a eu un temps peu éloigné où, pour être appelé à la plus
 mince part du pouvoir, il fallait exhiber son titre de républicain de la
 veille, comme si la République n'était pas le patrimoine de tous les
Français. Maintenant, on est exclusif dans un sens opposé ; il semble
que la République doit être le patrimoine, nous ne dirons pas seule-
ment de ceux qui l'ont constamment repoussée, mais, bien plus, de
ceux qui ont conduit les vieux gouvernements dans les voies où ils se
 sont perdus, et qui ont refusé, comme hauts administrateurs, ou con-
testé, comme publicistes, les réformes qui eussent tout sauvé. Ce sont
ces mômes personnes qui transportent aujourd'hui dans le système
républicain cet esprit étroit de gouvernement par la compression, et
cette crainte inintelligente de tout essor de liberté. Il y a un grand
parti, qui s'appelle de l'Ordre ; ce parti marche maintenant avec ses
trois drapeaux déployés, ceux des trois formes monarchiques tombées,
 et celte coalition mal jointe, appliquée à chaque instant à réparer ses
 divisions ou à se faire une guerre intestine, ce parti, qui est cependant
 d'accord pour mettre hors de l'ordre le nom de républicain, se produit
 et est considéré comme le parti gouvernemental, sous le système légal
 et établi qui s'appelle la République. Ce parti a pour organes des jour-
 naux qui se donnent pour mission de soutenir l'autorité, et qui se li-
 vrent quotidiennement aux plus étranges attaques contre la Constitu-
 tion et, l'ordre établi.
    C'est là qu'on trouve cette doctrine ultra-révolutionnaire que lu