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M! RÉTABLISSEMENT DE LA CONFIANCE. 661 Nous professons que tout pouvoir est dans la société pour être obéi, mais aussi pour être contredit. Malheur au pouvoir qui ne sait pas remplir son rôle de directeur en face d'un contrôle perpétuel, et qui se déclare en impossibilité de gouverner avec la liberté des suffrages, la liberté des réunions et la liberté de la presse ! Non, ce n'est pas nous qui nous plaindrons jamais de la liberté. Au 10 décembre 1848, nous avons pu regretter que la nation reconnais- sante n'ait pas investi de la première magistrature de la République l'homme de guerre et d'Etat qui l'avait sauvée le 24 juin. Au 13 mai 1849, nous avons pu regretter que la nation n'ait pas renvoyé, investie du Pouvoir législatif et retrempée dans le suffrage universel, la majo- rité de l'Assemblée constituante qu'un mouvement faux et factice avait entraînée à une retraite prématurée, et il nous a semblé que c'était principalement dans l'intérêt bien entendu du parti de l'Ordre qu'il y avait à déplorer une ingratitude qui rompait les traditions naissantes de la République constitutionnelle et modérée. Mais enfin, nous recon- naissons pour premier principe l'inviolabilité des suffrages nationaux, et les inconvénients qui résultent pour un peuple de tel ou tel exercice de son droit de souveraineté ne sont jamais irrémédiables, tant que la liberté elle-même subsiste, la liberté au moyen de laquelle un peuple, ainsi qu'un homme raisonnable, peut toujours réparer son erreur d'un jour. Ces oscillations du pouvoir, renfermées dans les limites constitutionnelles , n'offrent point de danger sérieux. Notre Répu- blique peut bien être, comme sa sœur d'Amérique, divisée entre wighs et démocrates ; wighs vainqueurs en 1849, démocrates vainqueurs à leur tour en 1852. Nous ne croirons la chose publique perdue, ni par- ce que son gouvernement incline trop à droite aujourd'hui, ni parce qu'il inclinera peut-être trop à gauche dans deux ans, suivant notre jugement particulier. Mais il faut, répétons-nous, que ces oscillations, que ces déhats soient contenus dans les limites de la loi constitution- nelle, qui règle les conditions et l'exercice de la liberté. Le désordre commence, lorsque ces limites sont, nous ne dirons pas seulement at- taquées, mais menacées, parce qu'alors, nul ne sait où s'arrêtera ta prérogative du vainqueur et où sera la garantie du vaincu ; parce que le débat, exclu du champ pacifique, sa transportera dans celui de la vio- lence ; parce que le pouvoir, marchant de compression en compres- sion, deviendra despotisme; parce que les minorités, dépouillées de garanties, n'auront de refuge que dans la conspiration et la révolte ; ou plutôt, parce qu'il n'y aura plus majorité et minorité, mais tyrannie et servitude ; enfin, parce que nous serons soumis à une instabilité