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610 DE L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE dage ; c'est une colonisation qui demande du temps, de la patience, du travail, de la persévérance, de l'aptitude, de la pratique, beaucoup plus que, de la fougue, du courage, des coups de main, des tours de force et des systèmes à perte de vue. Jusqu'ici, depuis la révolution de Février, on n'a fait que dresser la tente de la liberté politique, mais le premier coup de vent peut l'emporter. Plantez donc, tout autour, des pieux, comme les soldats romains, creusez les fossés des libertés lo- cales, élevez des retranchements, travaillez aux fondations , l'édifice entier n'en sera que plus solide, et pourra résister, à tout jamais, à ces tremblements imprévus qui renversent tant de choses sur le sol de notre imprévoyante patrie ! M. de Tocqueville exprime la même pensée, avec autant de netteté que de force : « C'est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles les mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l'usage paisible, et l'habituent à s'en servir. Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouverne- ment libre, mais elle n'a pas l'esprit de liberté. « Les institutions provinciales sont utiles à tous les peuples ; aucun n'a un besoin plus réel de ces institutions, que celui dont l'état social est démocratique. « Une démocratie sans institutions provinciales ne possède aucune garantie contre le désordre ou le despotisme. « Comment faire supporter la liberté, dans les grandes choses, à une multitude qui n'a pas appris à s'en servir dans les petites ! > Comment résister à la tyrannie, dans un pays où chaque individu est faible, et < oii les individus ne sont unis par aucun intérêt commun ! « Ceux qui craignent la licence et ceux qui redoutent le pouvoir absolu, doivent également désirer le développement des libertés provinciales. » Nous sommes à la troisième année de la fondation de la nouvelle Ré- publique, et l'on n'a pas encore abordé la loi organique du régime ad- ministratif. Chaque parti hésite, se regarde avant d'aborder la liberté par la base. On dirait que chacun d'eux veut confisquer à son profit la centralisation de l'empire, pour y asseoir ses projets tenus en réserve. Mais le pays, qui se soucie peu des joutes oratoires, des facondes sté- riles, et des vues secrètes des factions, attend avec impatience que l'on mette en harmonie la vie municipale avec la vie politique. Les expédients n'ont d'autre durée que celle de la circonstance qui les a vu naître ; les institutions, au contraire, qui touchent au sol, au* habitudes locales, s'enracinent promptement et fortifient tout ce qui repose sur elles. 11 eût mieux valu que la République émergeât peu-à -