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598 LIEUX COMMUNS A L'USAGE DES I'AKTIS POLITIQUES. 11 ne faut donc pas répéter sans cesse : le peuple français est ingou- vernable, et conclure de ce lieu commun, qu'en fait de gouvernement, on ne lui doit que le traitement réservé aux insensés ou aux coupables' La France est gouvernable ni plus ni moins que toute autre nation, mais seulement à de certaines conditions, pour me servir des ex- pressions de M. Guizot, en 1820. Parmi ces conditions, il faut placer en première ligne la loyauté du parti qui dirige les affaires publiques- Les influences qui ont mené le gouvernement de notre pays, depuis que le général Cavaignac n'est plus à la tète du Pouvoir exécutif, se sont usées ; cette grande réaction sans conviction, cette exagération sans enthousiasme, cette colère sans courage, cette terreur rétrospec- tive et de bonne compagnie ; en un mot, tout ce qui s'était appelé le parti de l'Ordre commence à s'affaisser. Ce parti, dont presque tout le mérite consiste dans le mal fait par ses devanciers, s'aperçoit que la fusion réelle des éléments dont il se compose est peu avancée, que toute l'activité et l'intelligence qu'il s'est réfusé à dépenser pour la cause de la République ont profité aux dangers à venir. Le prestige qui a entouré le Président de la République s'évanouit de jour en jour. Les hommes qui ont envoyé l'élu de cinq millions de suffrage» lui reprochent déjà son isolement. Ceux qui ont vu en lui un mission- naire expédié par la Providence sont prêts à le traiter en étranger. En face de cette situation compromise, ce parti est plein d'inquiétude. A qui la faute, dira-t-on? Nous ne craignons pas de répondre : à lui- môme. Si ce parti, appelé par le cours naturel des choses et par l'oscilla- tion fatale des réactions, à servir la République, avait été plus loyal, c'est-à -dire s'il avait rempli son mandat avec plus de fidélité, s'il s'était montré le tuteur désintéressé de la République, au lieu d'en convoiter l'héritage, si tous ses actes, toutes ses inspirations n'avaient pas eu un caractère d'ambiguïté propre à faire douter s'ils venaient d'un ami ou d'un ennemi, il aurait aujourd'hui plus de confiance en lui-même, et il en inspirerait plus à la France. 11 ne subirait pas cette prostration et cette crainte qui suivent toujours une illusion trompée, chez ceux qui n'ont pas la conscience de leurs bonnes intentions. Uu parti qui a fait des fautes, n'a pas tout perdu en perdant le pouvoir, quand il a montré de la franchise dans ses affections, de la loyauté dans ses actes; mais à celui qui en a manqué et qui n'a pas réussi? que reste—t-il ? J. B.