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                        LIEUX COMMUNS




DES PARTIS POLITIQUES.



    Il y a, dans la langue politique, certaines phrases banales qui re-
 viennent à chaque instant et à tout propos. Elles ont le rare privilège
 de ne pas vieillir et d'être toujours goûtées ; leur jeunesse est éter-
 nelle, comme la bonne foi de ceux qui les disent et la faveur de ceux
 qui les écoutent. On les rencontre inévitablement au bout de la plume
 des publicistes, et au bout de la langue des tribuns de club ou de
 salon. Elles forment évidemment, comme dit Figaro, le fond de la
langue politique. A qui doivent-elles cette fortune étrange ? Ne serait-ce
 pas qu'elles ont l'avantage de permettre aux gens qui s'en servent de
parler un moment avant que d'avoir pensé?
   C'est ainsi qu'en se bornant seulement au langage du parti conser-
vateur, vous entendez répéter à toute heure : Le peuple français est
ingouvernable ; Il faut fortifier le Pouvoir ; Il est temps d'en finir.
Les journaux rendent tout gouvernement impossible, etc. Telles sont
les plus usitées de ces banalités. Elles se récitent, se recueillent, et se
transmettent sans travail de l'intelligence, sans effort de la mémoire.
 Emises avec discernement, elles contribuent à vous donner une répu-
tation de sagesse et de modération. On les répète, parce qu'on les a
entendues ; on les croit, parce qu'on les a répétées.
   U semblerait au moins que des opinions qui ont coûté si peu de
peine à acquérir devraient tenir par des racines peu profondes à l'en-
semble de nos croyances politiques : il n'en est rien pourtant. L'en-
têtement que l'on met à les soutenir est précisément en raison inverse
des réflexions que leur acquisition a exigées. Notre esprit a accueilli
ces idées parasites avec complaisance ; il se prend bientôt à les aimer
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