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56*2 SENS ET MORALITÉ
Les éjections du 10 mars ont eu un autre résultat, celui de prouver
que l'opinion de la France est républicaine ; car, manifestement, la
question y a été posée entre la monarchie et la république. Nous au-
rions voulu que l'opinion républicaine n'allât pas, devant les défis qui
la provoquaient, transporter son drapeau dans les profondeurs les plus
extrêmes de ses rangs. Mais enfin, nous le concevons, les passions ap-
pellent les passions. Toutefois, la réponse de la France à la question
posée a été purement : République et Démocratie. Réserve a été faite
de tout ce qui peut être compris dans le développement républicain et
démocratique.
Si l'élection du 10 mars voulait dire glorification de l'insurrection
du 24 Juin, en la personne de M. de Flotte, et adhésion aux théories
du Luxembourg, en la personne de M. Vidal, secrétaire de M. Louis
Rlanc, nous protesterions énergiquement. Mais cette réponse, par cela
même qu'elle a été faite par la coalition du parti purement républicain
et du parti socialiste, n'admet pas plus le Socialisme qu'elle ne l'exclut.
Ce qu'elle exclut, c'est la violence qui prétend se substituer à la sou-
veraineté du peuple, et la compression brutale qui combat les idées
par le tranchant du sabre. Ce qu'elle réclame, c'est la liberté nationale
s'éclairant par la discussion et exécutant, dans son droit, ce que son
intelligence a accepté, et ce que sa volonté a décidé. Il ne s'agit ni de
M. Louis Blanc, ni de M. Proudhon, ni de M. Considérant, ni de tel
ou tel système ; mais il s'agit de tout ce qui surnagera, à travers les
travaux des penseurs et les disputes des écoles, de vrai, de fécond, et
de réellement applicable à l'amélioration morale et matérielle du
peuple français, et à l'honneur de la nation. Or, pour cette libre dis-
cussion, pour ce choix, pour cette application, la forme républicaine
et démocratique, expression nécessaire de la souveraineté du peuple,
est la seule voie. Hors de là , il ne peut y avoir que domination des
intérêts d'une classe ou d'une dynastie.
On a beau se récrier contre les audacieux qui prétendent faire des
leçons aux gouvernements; le 10 mars adonné la sienne. La meil-
leure preuve qu'elle a été sentie et comprise, c'est la colère et le
trouble moral qui l'ont suivie. La réaction monarchique est comme ces
animaux blessés qui rugissent et se débattent sous le trait enfoncé
dans leur flanc. N'ayons crainte de ces menaces insensées ; elles por-
tent avec elles les marques de leur impuissance. Déjà les matamores
de Y Assemblée nationale, de la Patrie, des correspondants du Congrès
de Tours, et de trois ou quatre journaux de départements, parmi les-
quels brille en première ligne notre Courrier de Lyon, sont désavoués