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                          CHRONIQUE POLITIQUE.                         ;V21

  des artistes pour que l'idée lui soit spontanément venue de rayer du
  répertoire théâtral une1 pièce qui se joue partout ailleurs; en cela, il
  a été , comme d'habitude, l'exécuteur de la pensée d'autrui. Ce n'est
  pas toujours celui qui tient la plume qui rend les arrêts. Que le général
  s'interroge plus souvent lui-même, qu'il consulte son passé, ses sou-
  venirs, ses origines, et qu'il se défie du rôle de greffier de l'état de
  siège, de commis au plumetif qu'il nous semble accepter par trop bé-
  névolement.
     Il a jugé à propos , ces dernières semaines, de multiplier les pro-
 menades militaires. Pas un jour ne s'est écoulé sans que nos quais
  étonnés n'aient été couverts d'une procession de canons, avec ac-
 compagnement obligé de dragons. Notre opinion, sur ces promena-
  des, est en tous points celle du correspondant du Salut Public, qui
 apprécie en ces termes l'appareil guerrier déployé par M. Chan-
  garnier à Paris :
     «M. le général Changarnier continue de passer des revues avec un
 luxe et un fracas qui arrivent à lasser les Parisiens. Dans les commen-
 cements, c'était un spectacle comme un autre, mieux qu'un autre,
parce que l'armée est fort aimée ici ; mais, à la fin, ce continuel éta-
lage de canons et de militaires devient monotone. »
     Oui, tout cela devient monotone ; le 24 février 1850 , cette terrible
date qui devait marquer l'éclipsé de la civilisation est enfin passée.
 Les Josué socialistes, qui avaient résolu ce jour-là d'arrêter le soleil,
ont décommandé la fin du monde. Nous sommes bien heureux ! nous
pouvons respirer à notre aise !
    Quant au général Gémeau, sa satisfaction d'avoir traversé sans en-
combre la journée du 24 a été si grande qu'il n'a pu se dispenser d'en
porter le témoignage à ses administrés; il nous a adressé une procla-
mation de félicitation et de remerciment qui nous a ému et réjoui ; cela
peut s'appeler les cerises de l'état de siège. Après avoir lu l'affiche,
nous nous sommes cru encore au collège, et nous avons pensé que
nos arrêts allaient être levés pendant deux jours. Avouez que les temps
où nous vivons sont singuliers ; les gouvernants remercient les gou-
vernés de n'avoir point dressé de barricades. Une journée sans émeute
nous vaut une proclamation, absolument comme au lendemain d'une
victoire. Est-ce qu'il n'y aura pas distribution de croix d'honneur?
    Toutefois, il nous a paru que les journaux de l'ordre devaient être
très-médiocrement satisfaits de cette proclamation qui, à la rigueur,
peut être considéré comme un pavé tombant dans leur jardin. Car,
enfin, ces bruits propagés par la malveillanee dont parle le général,