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DE PARIS V LYON KT A AVIGNON. 513 Mais le traité merveilleux, de M. Bineau tolère exceptionnellement, sur un parcours de vingt kilomètres, de Perrache à Givors, dix. passages à niveau, dont deux sur la route nationale la plus fréquentée de nos pays, le premier à l'entrée de Givors, près du Canal, le second sur la route des Etroits, à l'ouverture de la route, et, pour couronner le chef- d'œuvre, on passe sous silence le passage à niveau établi sur le quai de la Saône, au débouché du pont de la Mulatière. L'invention la plus drolatique de la conception de M. Bineau est certainement cette double traversée de la Saône, à 500 mètres environ de distance, par deux ponts, placés l'un et 1 autre obliquement au cours de l'eau, et dont le premier fera avec le second un angle de 45 degrés.(l). S'il ne s'agissait que du pittoresque et du beau architectural, nous passerions volon- tiers condamnation ; on sait bien que l'art et le beau ne sont pas faits pour la province. Nous avions deux magnifiques rivières dont la jonc- tion a fait la grandeur et la prospérité de Lyon. On tient à diviser ce qu'avait réuni la nature, et l'on s'avise ingénieusement de fermer l'en- trée de la Saône à la navigation et d'en faire un véritable cul-de-sac. Ce n'est pas tout : en dehors des conditions prescrites par tous les cahiers des charges, M. Bineau permet des courbes d'un rayon de 500 et 750 mètres. Les voûtes n'auront plus que 4 mètres de hauteur, au lieu de 8 mètres qu'imposent les règlements. Allons toujours ! Le chemin de fer est submersible par les grandes inondations du Rhône, et on se garde bien d'en prescrire le relève- ment. L'établissement des voies ferrées a amené un progrès immense dans la locomotion, moins sous le rapport de l'économie de traction que sous celui de l'économie du temps, la vitesse est donc l'élément premier d'un chemin de fer. En Angleterre, en Allemagne, en France même, les locomotives franchissent les distances avec une rapidité de soixante kilomètres à l'heure. Mais le chemin de fer a de bonnes rai- sons pour ne point se hâter tant : Ne vous piquez jamais d'une folle vitesse. Il a été fait pour les transports de la houille, et l'on n'avait point songé qu'il pourrait un jour s'y hasarder des voyageurs. De là le tracé vicieux de la voie , dans lequel la ligne courbe est la règle , et l'alignement l'exception. Aussi, pour éviter les déraillements et les sauts des convois dans le Rhône, se voit-^n forcé de marcher à la vitesse honnête et modérée de vingt kilomètres à l'heure, et il est fort à souhaiter qu'on ne change pas cette allure pacifique. Le tracé par la rive gauche seraît-il aussi défectueux ? Ce n'était pas (i) Mémoirr de M, I.ehaitre, ingénieur.