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CHRONIQUE LOCALE. La Gazelle de Lyon du ta février contenait, dans sa chronique, les lignes suivantes : « Une foule nombreuse encombrait, dimanche soir, l'intérieur et les abords du Colisée, de la Rotonde et du Jardin-d'Hiver. Les voitures de place, mises de toutes parts en réquisition, avaient surenchéri leurs prix. Ce n'était, d'un bout de la ville à l'autre, que bals, que fêtes et que plaisirs ! » Oui, depuis vingt ans, on n'avait pas tant dansé à Lyon"; on a dansé non pas seu- lement dans les lient publics, mais surtout dans les salons; le général Gémeau a donné le branle; son bal travesti du 9 février, répété le 12, a mis toute notre ville en émoi ; mais les violons du premier étage de l'édifice social n'ont pas empêché je quatrième étage de dormir ; de séditieuses avalanches ne sont pas descendues de la Croix-Rousse dans la rue Boissac, comme on le disait tout bas. Pas l'ombre d'un rassemblement, pas la moindre émotion, pas même des curieux ! Comment eh aurait- il été autrement ? La dernière agitation qui s'est manifestée à Paris, à l'occasion de l'enlèvement des arbres de liberté, n'a pas même eu, comme on devait s'y attendre, son contrecoup naturel à Lyon ; le Courrier de Lyon, forcé d'avouer ce fait, l'a exprimé d'une manière trop piquante pour que nous ne le citions pas ! « le» évé- nement» de Paris, dit-il, connus à Lyon hier et avant-hier, ont causé beaucoup d'agita- tion dans certaine partie de la population, mais celte agitation s'est produite seulement ù huis clos.... Que dites-vous de cet admirable correctif, a huis clos ? Il est temps que nous ne soyons plus dupes de cette mise en scène de la peur. Nous en savons tous les secrets. Cette panique de théâtre est une honte pour tous. Ces transferts de canons, ces promenades militaires qui servent d'intermède aux bals et aux raoûts ne trompent plus personne. Quoi ! tout le monde tremble pour sa pro- priété, pour sa famille, pour sa vie; le pillage et l'incendie sont à nos portes, et nous n'avons rien de mieux à faire qu'à louer des violons et à allumer des lustres. Avouons que la peur engendre chez nous une singulière ivresse, l'ivresse du plaisir : cette pâle déesse porte maintenant, grâce au général Gémeau, une couronne de ca- mélias ; elle est devenue la sœur de Terpsiehore.