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466 LÉGITIMISME, CHRISTIANISME catholique'pose l'autorité. L'école de M. Laurentie a tout simplement supprimé son canal nécessaire, le peuple.; et vous, ce me semble, pour échapper à M. Laurentie, n'ayant pu retrouver la source déviée du Catholicisme, vous n'avez pu que vous réfugier, à l'aide de la lu- mière rationnelle, dans le droit de l'individu. Mais, Monsieur, vous avez là plus senti que vous n'avez raisonné. Comment, dans la voie purement rationnelle, aller, de l'individu à la société, sans passer par cette utopie absurde d'un contrat social primitif ? L'individualisme! mais c'est la plaie de notre époque. C'est l'assurance mutuelle de tous les abus contre les réformes, c'est l'intérêt personnel, c'est l'isolement. L'Individualisme, c'est le contraire direct du Socialisme, ce sont les deux pôles opposés de l'ordre social, sans conciliation possible, quand on n'admet pas un troisième terme pris au-delà de la terre. C'est la noblesse de votre âme et la rectitude de votre esprit, mais ce n'est pas l'inflexible logique qui vous fait conclure du développe- ment de l'individu à la solidarité de l'espèce ; car, dites-moi, je vous prie, où sera le point de départ du développement ? Si c'est dans l'in- dividu, il peut donc atteindre sa perfection, indépendamment du milieu social où il vit? Si c'est dans l'espèce, alors le progrès va donc du eorps social à l'individu,et non réciproquement? Et pourtant, vous avez raison, Monsieur. Il est incontestable que le progrès des sociétés suit le progrès des individus. Mais c'est que, ainsi que je le disais, il y a nécessité d'admettre un troisième terme, qui comprenne les deux autres et les ramène à l'unité, eu sorte que, la source du pouvoir étant dans le tout, ce tout est cependant institué pour que l'homme y naisse, y vive, s'y développe avec son intelligence, sa raison, sa liberté, en un mot, avec toutes les facultés qui sont dans l'expansion de son être et conformes à sa nature. Je me demande, Monsieur, si le Christianisme peut se contenter de l'hommage banal que beaucoup rendent à ses conquêtes morales, et même de la reconnaissance que vous faites qu'il a donné à l'individu son point de départ, comme s'il avait été quelque chose de bon, dans le commencement, mais devenu insuffisant par la suite. Mais, Mon- sieur, il y a là une flagrante contradiction. Le Christianisme ne se donne pas comme une chose humaine et transitoire ; s'il est destiné à passer, il est une imposture ; or, comment admettre que le bien puisse sortir du mensonge? S'il a fait du bien, c'est donc qu'il est vrai : s'il est vrai, il l'est comme il s'affirme lui-même, c'est-à -dire comme la vérité immuable. Or, comment est-il immuable et cependant la source de tout progrès? C'est qu'il est la lumière infinie qui éclaire