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450 CHRONIQUE MUSICALE. au soupçon ; eî délivrez Belval, délivrez la partition, délivrez-nous tous de cette nauséabonde complainte ! Un chœur, au premier acte, mérite spéciale et bonne mention. Le jeune ténor Philippe en a très-convenablement débité la strette: Destin, qu'on dit terrible! Ce artiste, dans un rôle mieux fait à sa taille qu'à son talent, a fait preuve de zèle' d'intelligence et d'une fort belle voix de ténor, que Lyon connaît déjà et ue de- mande qu'à connaître davantage. Le second acte ne contient guère qu'un duo ; mais c'est une perle, digne de Boiëldieu ou d'Aubcr. Il s'agit d'un secret, nœud de l'intrigue. L'un veut le sur' prendre, et verse à plein verre la liqueur qui délie la langue ; l'autre se pique de discrétion, mais seulement à jeun. Une jeune fille se tient à ses côtés, inquiète el suppliante , car s'il parle, elle est perdue. A chaque rasade, nouvelles instances du questionneur, nouvelles recommandations de la pauvrette. Notre ivrogne, toujour8 sûr de lui, prétend finir la bouteille et garder son secret; mais, tout en louvoyant' dégustant, s'exhortant, il en a déjà laissé deviner plus de la moitié.... Légère e pétillante, la musique s'harmonise à merveille au piquant de la situation. Ce ne sont qu'appels et répons, dialogue toujours vif et chantant. L'impatience, l'angoisse, la vineuse jactance scintillent tour-à -tour, se disputant à l'envi l'attention. Tel est l'attrait de cette peinture vivante, qu'on se sent palpiter, frissonner, qu'on partage toutes les alternatives de crainte et d'espoir si naturellement traduites par le com- positeur. Colson est redevable au Val d'Andorre de l'un de ses plus incontestés succès. Mais il a immédiatement payé sa dette, en même monnaie : car, sans sa verve co. mique, le sort de l'ouvrage était fort compromis. Le rôle de Lejoyeux a révélé en lui une intelligence capable de sentir les nuances délicates qui séparent la fine plai- santerie du domaine de la charge. — Par surcroît de bonheur, sa voix, revenue ton1 exprès pour la circonstance, a mis le chant à la hauteur du jeu. Accueilli par un sourire dès qu'il paraissait, le gentil recruteur n'a pas, je le gagerais volontiers, ra- colé, ce soir-là , moins de cœurs pour son service personnel que de conscrits pour la milice royale. M lle P. Marchand prend une peine visible pour être tragédienne : en jouant plus simplement, elle réussirait peut-être à faire oublier combien elle reste loin du but. Quant à sa voix, ceci échappe à notre compétence ; car nous ne pouvons consentir à appeler de ce nom le sifflet d'enfant qu'elle a sans doute, avalé par mégarde, et n'a e ncore pu parvenir à rendre, malgré tous ses efforts. Trois décorations nouvelles, d'un effet vraiment magique, témoignent de la lionne hospitalité que notre dircclion exerce envers les notabilités musicales. La toile du dernier acte eût, à Paris, valu à son auteur les applaudissements de la salle, el soi»