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                                 CHRONIQUE LOCALE.                                     445
 journaux de notre ville, quelles que soient leurs nuances, s'entendent pour chanter en
  chœur les bienfaits de l'état de siège et pour implorer sa durée ; ils ont sans doute
  de bonnes raisons pour que cet état de choses se prolonge ; le Courrier de Lyon en
 profite pour imprimer des correspondances dans le genre de celle-ci : » On pense que
 la population parisienne pourra bien être arrivée au marasme politique vers la fin de
 février, et qu'il n'y aurait pas grand inconvénient ù passer alors le Rubicon. Ainsi donc, à
 ' anniversaire de la République le grand assaut qu'on appelle le 18 brumaire... » Est-ce
  clair ? comme disait jadis M. de Broglie, c'est de l'insurrection de bonne compagnie,
 de la sédition à talons rouges ! Elle crie : vive l'Empire ! mais, ainsi que l'affirmait
  encore le Courrier, ce cri signifie vive l'ordre ! Ce qui nous fait trembler, c'est que
 •e Courrier n'est pas un journal sans conséquence; depuis qu'il a passé, enseignes
 déployées dans le camp napoléonien, il est revêtu d'un caractère quasi-officiel. Son
 ancien patron, M. Clément Reyre est aujourd'hui secrétaire général de la préfecture
 de police ; l'écho du mot d'ordre donné par M. Carlier peut bien nous être de temps
 e
   n temps transmis par M. Jouve. Nous n'avons qu'à nous bien tenir.

   Nous attendons avec une certaine impatience cette terrible date du 24 février
et nous devrions nous montrer d'autant moins rassuré que le Dix Décembre, autre
Journal napoléonien, teinté de Socialisme, nous a annoncé, pour ce jour-là une
 manifestât ion d'un autre couleur, un 18 brumaire par en bas. E t , en même
lemps, la police diplomatique a pris soin de nous informer, par la voie des corres-
pondances étrangères,que tous les révolutionnaires de l'Europe avaient choisi ce for-
midable anniversaire pour inaugurer avec éclat le carnaval démagogique prédit par
Proudhon.
    Si cet ajournement donné à l'émeute on aux coups d'état, pour le a4 février, était le
 premier, nous nous en inquiéterions peut-être ; peut-être nous demanderions nous avec
 anxiété : que va-t-il sortir de cette nouvelle révolution? l'empire ? Forléanisme? la lé-
 gitimité ? mais nous commençons à être blasé sur le chapitre des prophéties politiques.
 Ce genre d'émotion nous laisse froid. Nous ne nous faisons pas le loup plus grand qu'il
n'est en réalité; et fut-ce le Socialisme en personne qui se présentât'devant nous,
orné de tous les attributs que lui prêtent les poètes de la peur, nous estimons que
le meilleur parti à suivre serait encore de le regarder en face, car nous nous souve-
nons d'avoir lu dans un ancien livre d'histoire naturelle, que si le crocodile, auquel
on compare ordinairement le Socialisme, est très-audacieux avec les fuyards, il est
'rès-timide avec les audacieux.
    Il semble qu'à l'annonce d'un changement à vue sur la scène politique, chaque
parti devrait se dessiner avec plus de relief, chaque opinion se préparer à la lutte ;
c
  'est le moment où les drapeaux doivent flotter aux vents, montrer* leurs* devises
en pleine lumière. Il n'en est rien. On répète que nous vivons sous un régime tran-