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422 DE LA CONSTITUTION.
Ainsi ont fait les Constituants de 1848. C'est une grande erreur de
croire qu'une Constitution puisse être une chose arbitraire, que quel-
ques hommes façonnent à leur gré. Une Constitution résume néces-
sairement le progrès acquis à l'époque où elle est faite ; et, en consa-
crant ce que le passé contient de bon, elle en sépare tout ce que ce
passé avait gardé de suranné, et elle introduit, dans la pratique, tout
ce qu'exigent la marche des idées et la succession des faits. C'est bien
plus la puissance des choses que le caprice des hommes qui la dicte,
à ces époques où la grande voix des révolutions annonce si haut les
nécessités sociales qu'il ne semble pas possible de les contester -, et
cela est tellement vrai que, dans ees premiers moments, tout le monde
est d'accord, et que ce n'est que postérieurement, après que les faits
ne retentissent plus, que les vieilles passions renaissent, et que les
vétérans des anciens partis relèvent leurs drapeaux oubliés. Parmi
les adversaires actuels de la Constitution de 1848, combien y en a-t-il
qui l'ont approuvée, qui l'ont considérée, à son apparition, comme un
pacte d'ordre et de conciliation, et qui, peut-être, ont coopéré à la
produire ! Faisaient-ils donc alors œuvre d'hypocrisie ? Non , sans
doute ; ils étaient de bonne foi. Mais ils parlaient sous l'empire d'une
crise flagrante, sous l'illumination d'une révolution toute fraîche, et
maintenant ils parlent sous l'empire des illusions dont leur esprit a
repris le joug.
La Constitution de 1848 consacre, confirme et développe tous les
principes qui, depuis 1789, sont devenus les conquêtes indestructibles
de l'esprit humain, et qui se sont transmis de Constitution en Consti-
tion, à travers toutes les crises qui ont changé la forme des pouvoirs.
Elle établit, pour la première fois, sur la base irréfragable du, suffrage
universel et direct, le système représentatif, jusqu'ici toujours excep-
tionnel et toujours dévié. Enfin, elle relève le pouvoir, mais à titre de
mandat populaire et comme instrument de la force sociale. Fallait-il
donc rétablir, sur son soc brisé, la royauté de naissance, qui fait des
nations un patrimoine,ou bien fallait-il forger à nouveau ces fictions de
la royauté contractuelle, également indignes d'un trône et d'un peuple ?
On parle d'antagonisme des pouvoirs ! mais, avons-nous donc la
mémoire si courte, et l'histoire des vingt-cinq dernières années est-
elle tellement effacée, que nous ne sachions pas tous que les chartes
de 1814 et de 1830 contenaient, au contraire, bien plus que la Consti-
tution de 1848, les germes de ces conflits entre le gouvernement et le
peuple ? La Charte de 1814, qu'était-elle autre chose qu'une abdica-
tion hypocrite et équivoque des droits inhérents à la royauté de nais-