Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
398                           DE LA DÉMOCRATIE

    C'est donc tout simplement un mystère que les légitimistes posent
dans la sphère politique comme dans la sphère religieuse, et c'est
devant ce mystère qu'ils veulent nous amener à faire amende hono-
rable. Ne parlez donc plus d'exposer les urnes électorales sur la place
publique et de hanter le forum ; déchirez vos bulletins ; M. Laurentie
est là pour vous affirmer « que le pouvoir suppose de soi un prin-
cipe que le suffrage ne peut jamais suppléer. »
    Déjà il est visible que M. Laurentie n'appartient pas à la petite église
dont M. de Genoude a été le chef le plus célèbre, et qui s'était donné
pour mission de rationaliser la doctrine légitimiste, comme certains
philosophes ont entrepris, de notre temps, de rationaliser le catholi-
cisme. Peu s'en est fallu que les écrivains qui voulaient identifier la
raison avec l'Evangile, n'aient été déclarés hérétiques; peu s'en faut
également que les héritiers de M. de Genoude ne soient anathématisés.
Le| orthodoxes du parti s'en méfient, et, à vrai dire, ce n'est pas sans
quelques motifs. La devise : Droit national est bien près, au fond, de
ressembler à ce principe : droit du peuple, si toutefois elle n'est, comme
on l'a prétendu, une pure supercherie grammaticale, le fallacieux sy-
nonime de droit divin, en un mot une mystification.
    Pour mon compte, je préfère de beaucoup la grande théorie théo-
cratique, telle que l'ont exposée les chefs de cette école, Bossuet, de
Maistre, de Bonald, au prétendu rationalisme politique de M. de Ge-
noude; et je loue M. Laurentie de se rattacher franchement à la pre-
mière. La filiation de cette théorie avec le catholicisme est authentique ;
je sais de suite ce que vaut à ses yeux la liberté et de quelle manière
elle dénoue tous les problèmes qui pressent l'homme ; je puis la re-
jeter, mais elle a ce mérite, comme système humain, d'offrir une so-
lution divine, et je me souviens de cette belle pensée de Marc-Aurèle
qui est la condamnation de plus d'un système, de plus d'une théorie :
 « Tu ne feras rien de bien dans les choses humaines si tu oublies les
rapports qu'elles ont avec Dieu, ni rien de bien dans les choses divines
si tu oublies leur liaison avec la société. »
    Or, la théorie légitimiste repose tout entière sur cette donnée em-
pruntée au catholicisme que la liberté dans l'homme n'est que vanité
et affliction d'esprit, qu'elle est absolument incapable de produire le
bien par elle-même, qu'elle aboutit infailliblement à l'antagonisme, à
la division, à la guerre, et, finalement, à l'état sauvage; que double-
 ment impuissante dans l'ordre philosophique comme dans l'ordre poli-
 tique, elle ne peut pas plus inventer la vérité qu'établir le pouvoir ; d'où
 il suit que la liberté inclinant naturellement au mal, il a été nécessaire