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                               CHRONIQUE MUSICALE.                                   387
 res fait plus durement sentir, à nous, obligés de décomposer, par la dissection, ces
précieuses qualités dont l'ensemble même fait le principal attrait. Peu d'artistes,
 "•aintenant, pourraient offrir une échelle vocale aussi remarquable que M"* Masson.
Elle descend, avec l'aisance la plus naturelle , des notes liantes d'un mezzo-soprano
 aux tons du contralto le mieux doué. Seulement, immédiatement au-dessus de (a
luinte qui appartient en propre à ce dernier regislre, deux ou trois tons sortent un
peu faibles. Mais l'art, qui n'a pu corriger ce défaut, le dissimule assez heureuse-
ment, et ne laisse que bien rarement sentir la lacune. Puis, cet organe a un tel
timbre de jeunesse, une vigueur si dégagée d'effort, que la retentissante vibration
des cordes élevées absorbe et masque à merveille l'imparfaite sonorité de celles
lue la nature a laissées plus grêles. L'éclat, comme cuivré, du mi, du fa et du sol
aigus est, sans contredit, le véritable joyau de noire cantatrice : elle puise là ces
prestidigieux effets, que nulle science ne saurait imiter, et dont elle use d'ailleurs
avec une discrétion bien rare chez ses pareils.
    Le regislre grave est suffisamment développé ; égal et facile d'émission, il s'é
 chapjie frais et toujours pur, sans cependant rappeler celte saveur mordante et
 veloutée, dont le nom seul de Mlle Bouvard fait encore éprouver la sensation k
tous ceux qui l'ont jadis entendue.
    M"e Masson n'est presque arrivée que d'hier, et déjà elle a montré que son ré-
pertoire embrasse à la fois l'héritage de M lle Falcon et celui de Mad. Slolz. La
Favorite, d'abord, puis Charles VI, la Reine de Chypre, la Juive, ont été pour elle
 l'occasion de triomphes, inégaux sans doute, mais dont son amour-propre a du
 se trouver satisfait. Passionnée sans exagération, héroïne, mais non pas virago, elle
a restitué à leurs saines traditions plusieurs de ces rôles que nous avions vus près de
tomber dans la charge. Son chant, ordinairement sobre et correct, se colore sou.
vent jusqu'aux plus chaudes teintes. Le duo des cartes, de Charles VI, le quatrième
acte de ta Favorite sont là pour témoigner de la noblesse constante, de la haute portée
de ses inspirations musicales et scéniques.
   La reprise de ces opéras nous a valu l'indicible plaisir d'entendre plus souven(
celui de nos artistes qu'on ne se lasse point d'admirer. Flachat ! voix unique dans
le monde entier, mélodie vivante, onctueux et sympalhique organe, que nous con-
naissons tous depuis dix ans, et qui, pourtant, lient toujours nos oreilles suspendues
au moindre souffle de sa généreuse voix. On ne le loue plus, parce que, depuis
longtemps, ainsi qu'il en était de Rubini, l'éloge a épuisé sur lui toutes ses formules.
Pour nous, qui avons eu la fortune d'entendre, dans leur meilleur temps, Lablache,
Tamburini, Baroilhet, Ronconi, la place que nous donnons à notre Flachat ne serait
point au-dessous de ces grandes illustrations. Aucun n'eut son exquise suavité ; et il
réunit, à la vigueur du baryton fiançais, l'agile et moelleuse délicatesse des maîtres