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 est donc oblige de s'en tenir à quelques produits d'un usage universel,
 tels que le vin et le sel. Eh ! bien, nous le demandons, un droit sur
 des objets de première nécessité peut-il être perçu en raison du revenu
 du consommateur? I.e besoin est égal, la consommation est égale,
 mais la fortune ne l'est pas. Les boissons fermentées sont aussi utiles
 à l'homme qui gagne 500 francs par année avec ses bras qu'à celui
 qui en gagne 10,000, grâce à sa capacité commerciale ou industrielle.
 Les quantités consommées par l'un et par l'autre peuvent donc être
 égales; mais elles ont une importance bien différente relative-
 ment à leurs ressources; elles diminuent leurs revenus dans une
 proportion bien inégale. Le premier paierait, par exemple, la 25e partie
 de son revenu pour sa consommation en boissons, et l'autre la 500e
 seulement. Lors donc que le fisc vient demander à ces deux consom-
 mateurs une somme égale, l'un contribue aux charges de l'Etat en
 donnant 1 sur 25, et l'autre 1 sur 500. Si l'on prend pour base d'un
 impôt la consommation de certains objets indispensables à la vie,
 il n'y a plus de proportionnalité, plus d'équité ; car le contribuable paie
  alors en raison du vin ou du sel qu'il est obligé de consommer et non
 plus en raison du revenu qu'il possède.
    On dit, pour justifier les taxes indirectes, qu'elles se confondent
 avec le prix de l'objet consommé, qu'elles trompent ainsi le contri-
 buable, et que celui-ci les paie sans s'en apercevoir. Cela ne signifie
 pas autre chose que ceci : celui qui a de l'argent pour payer la taxe
peut acheter le produit imposé ; mais celui qui ne peut pas la payer
 se passe du produit. D'ailleurs, que le consommateur s'aperçoive ou
ne s'aperçoive pas qu'il paie, cela ne fait rien à la question de jus-
tice. Est-il légitime de voler un aveugle ?
    Résumons-nous : la loi, la raison, la justice veulent que chacun
contribue aux charges de l'État en proportion de son revenu. Les
partisans de l'impôt des boissons veulent au contraire que chacun paie
non en raison de la fortune, qui est variable, mais de la consomma-
tion qui l'est fort peu quand il s'agit d'objets de grande nécessité ;
non en raison du revenu qui diffère pour tout le monde, mais en
raison des besoins qui sont à peu près les mêmes chez tous les indi-
vidus. On ne s'aperçoit pas ou on ne veut pas s'apercevoir que si
ces besoins sont assez impérieux pour exiger une satisfaction, l'impôt
de consommation dégénère forcément eu capitation, c'est-à-dire que
le pauvre paie autant que le riche. Mais que dire, lorsque le législa-
teur n'a pas même su s'arrêter à cette injustice qui consiste dans
Fégalité devant l'impôt du consommateur opulent et du consomma-