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                               LES BÉGUINS.                             363
 moment de la délivrance approche ; l'espoir redouble,, la foi triomphe,
le Néo-Béguinage renaît, un rejeton va consoler le veuvage de l'é-
 glise.
    La Béguine accoucha enfin.... Mais, ô douleur! c'est une fille.
    Ce dernier coup a terminé la mission évangélique du petit bon dieu.
    L'antique et primitif Béguinage seul résiste. Il ne s'était point laissé
 séduire par le faux prophète. Maintenant, ils continuent à suivre les
 vieilles traditions de leur religion, et à pratiquer les cérémonies in-
nocentes de leur culte. Que les clartés du bon sens et de la raison les
 illuminent !
    Mais, au nom de la tolérance religieuse et d'une saine philosophie :
 Paix,sur la terre, aux hommes de bonne volonté!
    H est impossible de prendre au sérieux le prophète Digonnet. Le
 grotesque semble dégénérer en caricature, lorsque la plume cherche à
 esquisser ce personnage bizarre, dont le nom a encore une si grande
 influence parmi ses sectateurs. Mais, dans le maçon de Tence, il ne faut
 pas croire trouver simplement l'étoffe vulgaire d'un homme habile à
 exploiter la crédulité de pauvres cultivateurs. Digonnet était, tout le
premier, fortement convaincu de sa divinité. Sous cet habit grossier,
 dans cette intelligence dévoyée, il y avait parfois la profondeur d'un
Svédenborg et d'un saint Martin, mêlée aux visions de Marie Alacoque.
On se sent saisi d'une pitié compatissante pour cette raison égarée, en
songeant à toutes les misères qui cherchaient, dans cette parole d'illu-
miné, un baume pour leurs plaies et pour leurs douleurs. Le pauvre
chemine dans la vie, sous une croix qui est rude à porter ; comment
s'étonner que son regard se laisse séduire par le mirage, que le premier
visionnaire déroule à ses yeux fascinés ?
    Le sentiment religieux, qui comprend toutes les aspirations de l'âme
vers les mystérieuses destinées, dont elle n'a qu'un vague pressenti-
ment, est, sans contredit, un des plus étendus et des plus profonds de
la nature humaine. 11 monte jusqu'aux subtiles rêveries du mysticisme,
et il s'abaisse jusqu'aux formes les plus monstrueuses du fétichisme.
    D'où vient que cette semence, enfouie par Dieu dans le cœur de
l'homme, produit, sur un terrain bien préparé, la religion comme une
plante bienfaisante et embaumée ; et là, la superstition, comme une
végétation délétère et empoisonnée ? La raison ne donnera jamais le
dernier mot de ce sentiment infini, insaisissable, jusqu'au jour où ap-
paraîtra l'éternelle vérité.
    C'est, toutefois, une étude féconde en enseignements, que de chercher
à soulever le voile dont s'est enveloppée l'humanité religieuse. On aime