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                              LES BÉGUINS.                            .159
    Les Béguins, émerveillés et saturés des prophéties de \e,ur petit bon
dieu, virent un miracle dans cette mise en liberté.
    Digonnet profitait simplement delà distraction d'un procureur géné-
ral affairé. Mais il sembla, tout naturellement, aux disciples que cette
formidable révolution n'avait éclaté que dans le seul but de mettre fin
à la captivité de leur messie.
    Le maçon de Tence passa pour un dieu, un vrai dieu de chair et
u
  'os, et il fut élevé à la dignité de Père éternel.
    Toutes ses prophéties ne s'étaient-elles pas accomplies ?
    Il avait prédit la famine, et la famine était venue .'
    U avait annoncé les révolutions et les guerres, et les révolutions de
faire explosion et les guerres de gronder !
    11 avait prévu la peste, et la peste cholérique, dans son vol sinistre,
Planait sur toute l'Europe.
    H avait annoncé que les portes de la prison ne prévaudraient pas
contre lui, et les portes de la prison s'étaient ouvertes devant lui.
   Y a-t-il, dans ces intelligences égarées, des éclaircies profondes qui
leur laissent entrevoir les obscurs lointains de l'avenif ? Qui pourrait
le dire ? C'est là, du moins, une croyance très-répandue dans nos po-
pulations rurales.
    Elles attribuent généralement à la démence le don de seconde vue,
comme une compensation divine de la perversion de la raison hu-
maine.
    Sous cet aspect, la monomanie religieuse de Digonnet contiendrait
le secret de sa toute-puissance. A son retour de Riom, sa domination
n'eut plus de bornes, son pouvoir plus de limites. Le béguinage était
tombé, vis-à-vis de lui, dans un fétichisme grossier, et ses adeptes
aveuglés, fascinés, s'il l'eût commandé, auraient dépassé, dans leurs
extravagances, toutes les monstruosités des adorateurs de Siva.
    Ce sycophante, bien que l'ennemi juré du pape, n'en cherchait pas
moins à copier le cérémonial et l'étiquette de la cour pontificale. Mais
Digonnet était aussi grotesque dans ses plagiats que le singe grimaçant
dans ses imitations de la figure humaine. A Rome, le pieux catholique
s'incline, dans son hommage-lige, aux pieds de la papauté, et baise
dévotement la mule du Saint Père ; à St-Jean-Bonnefonds, le fervent
Béguin ou la béate Béguine baisait un large bouton de cuivre que le
Prophète portait à ses indispensables, dans la région de l'épigastre.
Cette sainte relique, sans cesse frottée, polie par les mystiques baisers,
reluisait comme un diamant, scintillait comme une étoile, brillait