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3G0 LES BÉGUINS. comme un soleil, (l'était le flambeau du Béguinage il le miroir de la foi en Digonnet. Sous le mythe le plus obscur, il y a toujours un sens profond. La cérémonie symbolique de l'adoration ombilicale signifiait que le petit bon dieu était le père du Béguinage, et que tout fidèle croyant était la chair de sa chair, les os de ses os, et les membres sanctifiés de sa na- ture divine. Digonnet absent, St-Jean-Bonnefonds reprenait de doux loisirs ; la vie s'y écoulait heureuse et paisible ; chaque religion s'y coudoyait fraternellement. Mais, à peine le prophète reparaissait-il, que tous les vents étaient déchaînés ; il apportait les tempêtes dans les plis de sa houppelande, et l'on commençait à seharpignerde plus fort. A la Saint-Jean 1848, à l'occasion de la fête patronale du pays et de la sienne propre, car Jean-Baptiste Digonnet, bien que Dieu lui- même, n'en avait pas moins un patron ( les femmes à Digonnet ar- rangeaient tout cela pour le mieux ), le prophète mena paître proces- sionnellement. son troupeau. Il était paré comme une châsse, beau comme un suisse d'église, droit comme un tambour-major. Ses mains divines reposaient sur les épaules de deux jeunes diaconesses ; il portait la tête comme un Saint-Sacrement, et sa figure rayonnait de toute sa gloire céleste. Les longues files des Béguins cheminaient len- tement, en chantant des cantiques et des psaumes. La nature, parée de toutes les splendeurs de l'été, semblait elle- même assister à la fête. Quelques jeunes voltairiens du bourg se permirent de ricaner à la face auguste de Digonnet. D'abord, On courroux dédaigneux a gonflé sa narine. Mais on ricane de plus fort. La colère du prophète éclate alors comme un tonnerre ; il lance ses apôtres sur les impies qui insultent à sa divinité ; les fidèles disciples frappent comme argousins et mor- dent comme dogues. Les mécréants, roués de coups, restent sur le carreau, plus morts que vifs. Et Digonnet, rentré dans le calme de sa béatitude , continue la pieuse cérémonie. La République ne se montra pas plus tolérante à l'égard de ce vi- sionnaire dangereux que ne l'avait été la monarchie. Dans les premiers jours de juillet, un mandat d'arrêt fut lancé contre lui. Le brigadier de St-Etienne, accompagné de deux gendarmes, se dirigea sur Sl-Jean-Bonnefonds pour arrêter Digonnet. Selon son ha-