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                                LUS BÉGUINS.                               331
  pendant, il a annoncé, en 1846, avoir été arrêté à Varennes, au mo-
   ment où il se rendait à Paris, pour prédire à Louis-Philippe les trois
  fléaux qui devaient bientôt tomber du ciel : la famine, la guerre et la
   peste.
      L'odyssée religieuse de Jean Digonnet décrit des méandres mysté-
   rieux. 11 est partout et nulle part. On le voit à Bourg-Argental, à
  Moulins, à St-Etienne ; on le dirait doué du don d'ubiquité. 11 semait,
  dans sa route, la parole d'un envoyé de Dieu, et il inondait d'Apoca-
  lypse tous ceux qui, d'aventure, passaient dans son chemin.
      Notre législation, qui sent l'athéisme, comme le lui a reproché un
  théologien célèbre, ne tolère que la prophétie domiciliée et patentée ;
  elle a l'impiété d'exiger un passeport de tous les Elie ambulants, de
  tous les trouvères enroués et de tous les consolateurs nomades des mi-
  sères humaines. Jean-Baptiste Digonnet eut donc, plus d'une fois,
  maille à partir avec le gendarme, ce centurion de la Babylone mo-
  derne, sous prétexte qu'il n'avait pas de passeport paraphé des auto-
  rités compétentes. Un passeport à Digonnet!!.... Le sien avait été
  signé de la main de Dieu même.
     Bientôt les portes des prisons tombaient devant lui, soit par un
 effet miraculeux, soit que les Pilate modernes ne voulussent envisager
 que le côté mental de ses prédications.
     Mais l'heure était venue : le troupeau de St-Jean-Bonnefonds appe-
 lait son pasteur annoncé par l'Apocalypse; et lui, de bien loin, avait
 entendu ses bêlements, et il s'avançait toujours poussé par le souffle
 inconnu.
     En l'année 1846, date de l'ère de rédemption pour le béguinage,
 Jacques Brossy, le plus fervent des Béguins, venait de moissonner au
 Villard; il suivait tout pensif le chemin du Chambon, en songeant au
 messie en retard. Sa foi dans les promesses des écritures commençait
 à chanceler, lorsqu'il fut rappelé au monde extérieur par une scène
 extraordinaire, dont un témoin oculaire nous a conservé tous les détails
 merveilleux.
    Un vieux mendiant en sabots, chargé d'une maigre besace, chemi-
nait, le bâton à la main, au beau milieu de la route ; ses regards ins-
pirés semblaient lire dans le ciel des caractères mystérieux, visibles
pour lui seul. Un voiturier, conduisant un lourd équipage, marchait
en sens contraire. Le vieillard à la besace heurta les chevaux et faillit
être précipité sous leurs pieds : il se relève, et lance à la tête de l'atte-
lage ses imprécations, accompagnées de coups de bâton. Les chevaux