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                               LES BÉGUINS.                            327
    Au faite du village, on distingue un groupe séparé de maisons de
modeste apparence. On dirait un troupeau à part, cherchant à se dé-
tacher de la commune pour vivre d'une vie particulière et secrète.
Tous partagent les travaux ordinaires des habitants de St-Jean-Bon-
nefonds, et se mêlent aux relations journalières, en se tenant cepen-
dant à l'écart des jeux et des divertissements publics. Leur physiono-
mie conserve un caractère réservé, qui s'illumine d'une foi mysté-
 rieuse.
    Depuis l'apostolat de Digonnet, les hommes portent un cordon de
laine noire autour de la tête. Les femmes attachent à leurs bonnets,
qui conservent la forme primitive de l'antique mode du pays, une ban-
delette de tulle blanc, sur laquelle s'enroule un ruban d'un rouge vif
et éclatant. Sur les marchés de St-Etienne, de St-Chamond, de Terre-
Noire, on remarque leur démarche composée, leur figure mystique, et
 les signes particuliers de leur costume. La population les signale d'un
geste où l'indifférence a autant de place que la curiosité, en disant :
 Voici des Béguins !
    Cette secte, longtemps enfouie dans un petit village, semblait vou-
loir dérober aux yeux profanes le secret de son culte et de sa croy-
ance. On parlait bien, dans la contrée, de cérémonies étranges, de
processions nocturnes dans les bois, où l'obscurité voilait des satur-
nales impures. Rien, cependant, n'est venu confirmer ces vagues ru-
meurs qui glissent dans l'air comme un souvenir presque éteint de
vieilles légendes.
    La secte des Béguins forme un noyau compact, fortement uni par
la communauté de leurs idées religieuses. St-Jean-Bonnefonds, qui
paraît aspirer à devenir la Jérusalem de cette religion fraîchement
éclose, compte environ trois cents Béguins. Paris, ce réservoir im-
mense de toutes les idées qui se disputent le cerveau de l'homme, de-
vait, pour compléter son catalogue, renfermer aussi quelques Béguins.
On prétend que Lyon, Nantes, St-Etienne, comme Paris, cachent au
fond de leurs grandes populations quelques rares et obscurs disciples
de cette secte cryptonyme.
    D'où viennent les Béguins ? Quelle est la filiation de leurs idées reli-
gieuses ? Il est difficile de le savoir, car eux-mêmes ignorent la généa-
logie de leur secte ; et leurs croyances confuses, insaisissables, ne per-
mettent pas de les classer méthodiquement dans le vaste herbier des
mousses parasites qui ont poussé sur le grand arbre du christianisme.
    Plucquet, dans son Dictionnaire général des Hérésies, fait mention
d'une secte de Béguins et Béguines, qui se répandit en Allemagne, vers