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32G                          LES BÉGUINS.

notions d'une religion éclairée, d'une instruction morale, d'un ensei-
gnement à/la portée de tous, pour déraciner cette plante malfaisante
qui corrompt,tout à la fois,la moralité de l'homme et son intelligence.
   C'est donc sous l'inspiration de cette philosophie religieuse, qui
cherche à élever l'homme et non à l'abaisser, que nous venons ajouter
un chapitre à ce grand livre des superstitions humaines où chaque
pays, chaque secte a fourni sa page, son erreur et sa folie.
   N'est-ce pas encore rendre hommage à l'éternelle vérité que d'ar-
racher un coin du bandeau à l'erreur !
   Il y a quelques années, le village de St-Jean-Bonnefonds jouissait
de cette obscurité honnête, qui est le partage de la plupart des pau-
vres hameaux de France. Toute sa vie publique consistait à être im-
matriculé sur le registre des communes rurales du département de la
Loire.
   Maintenant que la chétive bourgade s'enfle au vent de la célébrité
et essaie d'arriver au renom de Bethléem, de la Mecque et d'Eisleben,
en couvant dans son sein une religion nouvelle, un prophète inédit et
même un dieu de lignée inconnue, nous devons, pour faciliter la tâche
des futurs chroniqueurs, décrire le berceau où vagit encore le culte
naissant des Béguins.
   Entre St-Etienne et St-Chamond, tout près de Terre-Noire, dans
une des gorges que forment les replis des montagnes du Forez, on
aperçoit, sur la déclivité d'une colline dépouillée, faisant face au mont
Pilât, un entassement irrégulier de maisons, de chaumières et de ma-
sures, dont l'aspect général révèle une vie rude et difficile.
   La population, forte et laborieuse, est courbée sous le travail in-
cessant d'une terre ingrate, ou creuse, jour et nuit, les profondeurs
du sol, pour en arracher la houille que dévore chaque jour l'industrie,
et qu'emporte au loin la course rapide des locomotives du chemin de
fer de St-Etienne. Il semble que, dans ces sombres galeries, où les
lueurs vacillantes de la lampe du mineur sont impuissantes à dominer
les ténèbres, l'imagination de l'homme se laisse pénétrer plus facile-
ment des terreurs de la solitude et des hallucinations qui jettent sa
pensée dans tous les égarements de la religiosité. On sait que Luther
trouva, dans les mines de la Saxe, ses plus fervents disciples. C'est là
aussi que la secte nouvelle a recruté ses néophytes les plus ardents.
    Toutefois, la plus grande partie des habitants de St-Jean-Bonne-
fonds est attachée fortement au catholicisme , et elle en suit fidèle-
 ment, sous la direction de son pasteur, les traditions, l'observance
 religieuse et les cérémonies habituelles. Les mœurs y sont pures,
 simples et sévères.