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                 LES BÉGUINS
        ET LEUR PROPHÈTE D1GONNET.




                                     Soyez plutôt maçon, si c'eut votre métier....


   Quand on sonde les couches inférieures des populations rurales de
nos contrées, on est tout étonné de trouver vivaces, résistantes, des
croyances qui semblent dater du moyen-âge. Le merveilleux et le
surnaturel sont toujours les aliments dont ces cœurs simples sont le
plus avides. De ce côté, leur crédulité n'est jamais assouvie, jamais
détrompée. Ils s'y plongent tout entiers, comme pour échapper aux
dures étreintes de la vie réelle. Les sorciers, les lutins, les esprits peu-
plent encore ces imaginations malades de leurs-fantômes, de leurs
apparitions et de leurs sortilèges.
   Il existe, il est vrai, une religion publique, officielle, avec ses minis-
tres consacrés, reconnus, écoutés ; avec ses cérémonies éclatantes au
grand jour. Et, au-dessous, on est surpris de trouver une seconde re-
ligion mystérieuse, secrète, qui a ses basses divinités, ses prêtres ca*
chés, ses pratiques occultes et son culte organisé dans l'ombre.
   Quelle mine à fouiller pour le moraliste ! Mais l'étonnement sera
bien plu3 grand, si l'on vient à découvrir que cette religion souter-
raine a ses apologistes jusque dans les régions les plus élevées.
   De Maistre n'a-t-il pas dit : « La superstition n'est pas l'erreur ;
« elle est seulement quelque chose qui est par-delà la croyance légi-
-• time. Je crois, ajoute-t-il, que la superstition est un ouvrage avancé
 « de la religion, qu'il ne faut pas détruire, car il n'est pas bon qu'on
 « puisse, sans obstacle, venir presqu'au pied du mur en mesurer la
 « hauteur et planter les échelles (1). »
   Avec la doctrine de ce théosophe éminent, on arrive à justifier toutes
les aberrations les plus grossières du sentiment religieux. Nous croy-
ons, nous, au contraire, qu'il faut mettre la plaie à nu pour la guérir ;
et qu'on ne saurait se lasser de répandre, à pleines mains, les saines

  ( 0 Soirées de St-Péicrsbourg, loue II, p. ?38.
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