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 312                DU RÉGIME MUNICIPAL EN FRANCE.

     Le département,qui a grandi moralement par la nature des choses,
   n'a légalement presque aucune existence individuelle. Le Préfet et le
  Conseil de préfecture y sont tout puissants, et ne sont que les agents
  directs du pouvoir central.Le Conseil général,seul corps départemental,
  est sans force, sans initiative, sans responsabilité, et n'a que des attri-
  butions financières très-peu étendues. Ses séances ne sont pas publi-
  ques, et le Préfet lui trace le programme de ses délibérations, dont il ne
  peut pas s'écarter.
     La commune, qui a un peu plus de vie politique que le département,
  a cependant une existence excessivement limitée. Le Conseil municipal
 est aussi sans liberté d'action. Il est subordonné ou entravé dans tous
 ses actes. La plus petite dépense a besoin de l'autorisation du Préfet
 ou du Ministre. Ni constructions, ni grosses réparations, ni démoli-
  tions, ni travaux quelconques ne peuvent s'entreprendre qu'après la
 permission obtenue.
     Les actions judiciaires et les transactions des communes sont sou-
 mises à des formalités si compliquées, que, le plus souvent, celles-c'
 doivent y renoncer. L'autorité executive municipale est mal instituée.
 Concentrée sur le Maire seul, elle l'isole de son conseil, et le rend l'a-
gent du gouvernement plutôt que le véritable représentant de la com-
 mune. Enfin, la commune est en rapport direct avec le gouvernement,
sans l'intermédiaire du Conseil départemental; et ainsi, elle est sans
puissance, sans initiative et sans existence propres.
    Et cependant, le régime municipal seul était capable de servir de
 base à des institutions sociales quelles qu'elles fussent, monarchiques
ou républicaines ; et, c'est pour n'avoir pas compris ce grand principe,
que tous nos gouvernements , sans racine dans le cœur et dans
la volonté du" pays, sont tombés au premier choc des tempêtes popu-
 laires.
    Les gouvernements se sont défiés de la nation : tous ont eu peur de
l'immiscer dans ses propres affaires. Imbus des préjugés despotiques
de l'ancienne monarchie, ils ont pensé que le peuple était incapable du
pouvoir, et que les fortes tètes placées au sommet de l'Etat devaient et
pouvaient seules l'exercer.
    De son côté, le peuple lui-même, élevé sous le régime ancien, qui ne
l'avait initié à aucune liberté, autant par faiblesse que par ignorance,
n'a jamais senti la nécessité impérieuse d'une émancipation pratique;
il se contentait de poursuivre, pour ainsi dire, une liberté abstraite.
Il n'a pas vu que son salut ne dépendait que de lui-même ; et, habitué
à tout attendre de ses maîtres, il les a renversés, chassés tous les uns