page suivante »
DU RÉGIME MUNICIPAL EN FRANCE. 311 tration de toutes les fonctions politiques dans un seul pouvoir. C'est cette organisation à laquelle ont tendu tous les gouvernements qui se sont succédés chez nous, qui a été l'origine et la cause active de tous les maux qui nous dévorent, aussi bien que de ceux qui nous mena- cent. En ramenant au centre les attributions qui auraient dû être ré- parties dans les départements et dans les communes, la centralisation a fait de la nation une masse d'individus, isolés les uns des autres, n'ayant d'autre mobile qu'un égoïsme effréné, sans lien, entr'eux, de fraternité et de nationalité. Elle a annihilé l'esprit local, détruit la li- berté et la responsabilité individuelles, ébranlé la famille et la pro- priété ; et, en sapant ainsi les bases de l'Etat, elle en est arrivée à faire éclore les doctrines socialistes, qui ne sont que le dernier terme de la centralisation. Combattre les excès de la centralisation, la ramener dans ses véri- tables limites, développer le régime municipal en donnant aux dépar- tements et aux communes une forte organisation et une vie réelle, in- dépendante du centre, pour ce qui est de l'administration de leurs in- térêts locaux, et qui ne se relie à lui que pour les intérêts généraux, vivifier ainsi l'esprit public qui se meurt, et faire de chaque homme un citoyen et de chaque citoyen un énergique défenseur de l'ordre social en le faisant participer à l'exercice actif de la souveraineté populaire, tel est le but que s'est proposé, dans son ouvrage, M. Molroguier. C'est, l'histoire en main, et en suivant pas à pas toutes les phases qu'a subies le régime municipal sous les gouvernements divers qui se sont succédé, en France, depuis 1789, que notre auteur cherche à dé- couvrir quelle est, chez nous, la nature de ce pouvoir, son organisa- tion, ses vices, ses avantages, ses conséquences politiques. Rien n'é- tait plus propre à éclairer la question que de se placer au point de vue historique. Il ressort de cette étude des enseignements profonds. Depuis l'Assemblée constituante, qui commence l'ère révolution- naire, et qui, la première, fonda les bases du régime municipal nouveau jusqu'à la monarchie de Juillet, l'Empire comme la Convention, la Res- tauration comme l'Empire, tous nos gouvernements, aussi bien ceux qui sont sortis d'une impulsion libérale, que ceux qui sont nés d'un mouvement réactionnaire, tous n'ont vu, dans l'administration des communes et des départements, qu'un instrument passif de l'action centrale, et non point un instrument d'émancipation propre à former des citoyens et à établir, dans les provinces, des foyers de mouve- ments qui portassent la vie aux extrémités du corps social, et pussent équilibrer et fortifier le pouvoir central.