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                             CHRONIQUE MUSICALE.                                 291
    A Beethoven revenait de droit l'honneur d'inaugurer ces soirées. La première
 symphonie, en ut majeur, a constamment tenu l'auditoire muet de recueillement,
 de surprise, on peut dire presque de stupéfaction ; car, pour ceux qui n'ont pas eu
 Je bonheur d'être admis aux séances du Conservatoire, ce devait être là une révo.
 lution musicale complète. Vandante, gracieuse brise balancée sur des tiges de rose,
a enivré la salle entière de ses parfums pénétrants. De tels accords ne s'arrêtent pas
 à l'oreille. Ils vont plus avant ; ils restent dans la mémoire du cœur comme le sou-
 venir d'un premier aveu, comme le charme d'une belle matinée de printemps. C'est
 une espèce nouvelle de volupté. Heureux qui peut la ressentir! Mais, celui-là même,
je m'en aperçois trop, reste inhabile à la dépeindre. — Par bonheur, la source en
demeure ouverte; et nous connaissons assez celui qui en tient la clef, pour être
sûrs qu'il ne laissera pas achever l'hiver sans nous rendre, sans se donner encore
une fois à lui-même le plaisir de l'exécution si parfaite d'un tel chef-d'oeuvre.
  Un concerto de violon parait toujours bien long. Puis, entre Beethoven et Weber,
qui aurait pu trouver grâce? Mais on savait probablement que l'immortelle ouver-
ture de Freyschutz terminerait le concert, car personne n'a fui devant les classiques
arpèges du soliste qui s'était dévoué pour occuper l'entr'acte.
   Le public, il faut le dire, s'est montré peu empressé à cette première séance.
Tout ce qu'il y a, à Lyon, de vraiment musicien figurait-il donc à l'orchestre ? Je
ne sais ; mais le fait est qu'il en restait fort peu dans la salle. Ne désespérons pas
pour cela du succès. Il viendra ; il sera prochain ; il sera d'enthousiasme. Les hom-
mes d'intelligence et de goût que notre cité renferme, ne sauraient laisser périr
cette tentative, sans se donner à eux-mêmes le démenti le plus brutal. — Peut-être
la forme d'abonnement, qui a été préférée n'est-elle point la plus propre à attirer
la foule ? Lyon met partout ses habitudes de commerce. En musique comme en
soieries, on aime assez à prendre ses sûretés, à n'acheter que sur échantillons.
Détachez donc des coupons ; ayez des billets à la disposition de ceux qui ne tien-
nent pas absolument à jouer tout un hiver le rôle de Mécènes.
   Puisque je suis en humeur de montrer par des avis toute ma sympathie pour l'en-
treprise si louable de M, G. Hainl, je veux encore lui signaler la nécessité de dis-
tribuer, à ses prochains concerts, le catalogue des morceaux exécutés. Peu de
mémoires musicales sont assez richement meublées pour deviner à première audi-
tion le numéro de l'œuvre et le nom de l'auteur. Or, voyez le dommage qui en ré-
sulte pour la propagande ! Quelle élégante, quel lion interrogé sur l'emploi de sa
soirée, voudra consentir à répondre : J'ai entendu un bien joli morceau; il y avait une
symphonie délicieuse. Ne voilà-t-il pas une belle preuve de dilettantisme ? Mon bottier
ou votre repasseuse, Madame, en disent tout autant en sortant du Jardin-d'Hiver !
De grâce, cher directeur, compatissez un peu aux faiblesses humaines, surtout si