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CHRONIQUE POLITIQUE. 381 ment, laissant couler le temps et l'eau de son mieux, sans trop songer à mal. La France s'habituait à ce trot menu et ondoyant, à cette allure pacifiante. Mais, cette lenteur solennelle du cabinet, les longues déli- bérations oratoires, la prépondérance personnelle des ministres devant l'Assemblée nationale ontfinipar lasser l'impétuosité nerveuse de l'élu du 10 décembre. Le favori du suffrage universel s'est cabré, un beau jour, sous les rênes de ces vieux libéraux blanchis dans la tactique parlementaire et le plaidoyer politique. Libre enfin, maître de sa volonté, Louis Bonaparte a voulu inaugu- rer l'idée napoléonienne qui a émergé de l'urne électorale du 10 dé- cembre, comme l'étoile de notre destinée. Le message nous a annoncé qu'il était venu, tout botté, pour mettre l'action à ta place de la parole, et qu'il était temps d'exhiber le système qui a pour nom Napoléon. Puis, copiste fidèle de cette grande figure qui l'attire et le fascine, le Président de la République, au lieu d'hommes vieillis dans les difficul- tés de la politique, et dont les conseils et le nom semblaient écraser sa personnalité, n'a plus voulu que des familiers, dont le dévouement à sa personne et le zèle pour Vidée fussent les premiers titres à sa con- fiance et à la direction du pays. A la proclamation de ces noms de sixième force, la France n'a pas ri comme en Espagne ; elle a senti sa puissance, et elle a regardé par- dessus l'épaule ce ministère de comparses. Elle attend maintenant, calme et impassible, l'essai de ce nouveau branle donné à la Consti- tution. La révolution de 1830 avait essayé d'introduire le gouvernement parlementaire où la royauté n'était que la forme plastique du pouvoir exécutif fondé sur la volonté nationale. Mais l'individualité avait fini par déborder et se substituer à la théorie constitutionnelle. La poli- tique dynastique prévalut alors ; et, cédant à sa pente naturelle, elle ne fut plus que le souci de l'établissement d'une famille. La révolution de Février s'est faite contre le gouvernement personnel d'un roi, et nous voilà revenus au gouvernement personnel d'un président. Ainsi l'a voulu la Constitution de 1848 qui, en faisant nommer le chef du Pou- voir exécutif parle suffrage universel, lui a donné une prépondérance involontaire de fonction sur le pouvoir législatif. Ainsi l'a voulu, à son tour, le scrutin du 10 décembre, en acclamant au pouvoir un nom qu'il était plus prudent, pour le repos du pays, de laisser scintiller glorieu- sement au Panthéon de l'his , re. La France fait péniblement et lentement son éducation républicaine. Elle en a fini, il faut du moins l'espérer, avec l'insurrection permanente